Règlement de comptes est l'un des films les plus exemplaires de la carrière américaine de Fritz Lang ; dès les premiers plans, le drame est noué, c'est un sommet du film noir, oppressant, désespéré où le pessimisme est poussé à bout. Le style du réalisateur transparait alors dans toute sa rigueur, malgré quelques moments de flottement.
Lang parvient à transformer une banale histoire policière en une réflexion morale sur la société et la corruption qui la gangrène, en montrant que les flics ne valent guère mieux que les gangsters puisqu'ils utilisent des méthodes analogues et aussi viles, la frontière est très mince entre les 2 camps, d'où le thème de la vengeance qui se place au centre de l'intrigue et qui motive le personnage principal incarné par Glenn Ford.
La violence sèche et d'une dureté rarement vue au début des années 50, n'est pas gratuite, mais au contraire assénée de façon cinglante, j'en garde pour preuve ce qui est sans aucun doute l'une des scènes les plus célèbres et surtout les plus violentes jamais vue dans un film noir de cette époque, mais qui frappe par sa brièveté, celle où ce fou de Lee Marvin jette une cafetière d'eau bouillante au visage de Gloria Grahame, défigurant à jamais son beau visage. Cette violence semble aujourd'hui bien anodine à côté de celle qu'on voit dans les films actuels, mais à l'époque, c'était percutant.
Ce qui est intéressant, c'est que cet univers de corruption et de vice reposant sur la peur et la loi du silence, va être ébranlé par l'obstination d'un flic, Dave Bannion qui se dresse avec opiniâtreté en ange exterminateur, servant de catalyseur. Glenn Ford, acteur qui m'a souvent laissé indifférent mais que je n'ai jamais détesté, livre un de ses rôles les plus mémorables. Face à lui, le superbe personnage de poule à gangster incarné par Gloria Grahame (type de rôle dont elle s'est fait une spécialité) est tout à fait fascinant. Lee Marvin alors dans sa phase de second rôle sublime, est également fabuleux en crapule démente.
Voici donc un film noir d'un pessimisme absolu, voire d'un nihilisme noir où Bannion laisse derrière lui une route semée de meurtres et de destruction, mais d'une grande richesse dans l'intrigue et les personnages.