Les aventures,inspirées de faits réels,du shérif Wyatt Earp,son amitié avec le hors-la-loi Doc Holliday et sa lutte contre le puissant éleveur Ike Clanton,qui se terminera en fusillade mortelle le 26 octobre 1881 à Tombstone,en Arizona,Tombstone signifiant "pierre tombale",ce qui met tout de suite dans l'ambiance.Ce film fait partie des westerns mythiques de l'Histoire du cinéma,ce qui est mérité à bien des égards.Doté d'un gros budget,il est produit par le célèbre Hal Wallis pour le compte de la Paramount.C'est réalisé par le solide John Sturges,à qui l'on doit quelques fameux films d'action comme "Les sept mercenaires" ou "La grande évasion".Utilisant à merveille la largeur d'écran et la profondeur de champ,il accumule les plans magistraux avec un sens du cadrage jamais pris en défaut,s'appuyant en outre sur la sublime image en Technicolor de Charles Lang et les beaux paysages trouvés du côté de Tucson,en Arizona,pas loin donc des véritables lieux de l'action.D'autre part,il bénéficie de l'excellent procédé VistaVision,lancé par la Paramount en 54 pour concurrencer le CinemaScope.On peut ajouter à cela la formidable musique du grand Dimitri Tiomkin,comprenant notamment la fameuse chanson "Gunfight at the O.K. Corral" interprétée par Frankie Laine,un casting de haute volée et une direction artistique impeccable alignant sans faillir les décors d'époque,les chevaux,les costumes et les armes.Il y a cependant un truc qui cloche,et pas des moindres,puisqu'il s'agit du scénario.Il est pourtant l'oeuvre de Leon Uris,écrivain reconnu et auteur de nombreux romans,dont "Exodus" qui sera porté au cinéma par Otto Preminger.C'est peut-être ça le problème car Uris a apparemment voulu faire un western psychologique,ce qui ne serait pas gênant s'il avait réussi son coup.Il s'affranchit sans vergogne de la réalité historique,notamment en situant le flingage final dans l'enclos à bétail d'O.K. Corral,en périphérie de Tombstone,alors qu'il eut lieu dans les rues de la ville,ou en travestissant les faits quant à l'identité des participants ainsi qu'au sort de chacun.Par exemple,Ike Clanton et un de ses frères s'échappèrent et ne périrent pas ce jour-là.Bon,on sait que ciné et Histoire font rarement bon ménage,mais il y a pire.S'attardant sur la genèse de l'amitié entre Earp et Doc Holliday,le film traîne en longueur au gré de scènes tantôt mélodramatiques tantôt moralistes pas toujours cohérentes et compliquées à l'occasion par quelques arguties juridiques peu faciles à appréhender pour les non spécialistes du droit américain de cette époque.Du coup,les deux héros se tournent autour,l'irréprochable représentant de la loi s'échinant à remettre dans le droit chemin le dandy désespéré.Il faut avouer que les personnages sont puissamment caractérisés,avec un Earp inflexible mais pris d'une inexplicable sympathie pour Holliday,et un Doc à la vie tumultueuse.Le gars est un ancien dentiste de qualité qui a dû cesser d'exercer en raison d'une grave maladie,la tuberculose vraisemblablement,qui lui occasionne de continuelles toux.Aigri et alcoolique,il est devenu joueur professionnel mais,comme il gagne trop souvent,les parties de cartes se terminent souvent mal et Holliday,as du pistolet et du couteau,a de nombreux cadavres à son palmarès.En plus,il vit avec Kate,une ex prostituée apparemment,qu'il maltraite consciencieusement pour évacuer son mal-être.Finalement,il trouvera dans la main tendue par Earp un salut providentiel.Ce qui rapproche au fond les deux types est leur caractère suicidaire.S'il est évident chez Doc,qui cherche constamment à se faire descendre,il est aussi bien présent chez Wyatt,dont l'acharnement à vouloir maintenir l'ordre dans un monde où il est largement bafoué le met en danger quotidiennement,et sa survie n'est due qu'à une chance surnaturelle.Bizarrement,les deux hommes entreront en osmose à l'occasion du gunfight final,chacun faisant un pas vers l'autre.Holliday trouve une forme de rédemption en venant aider le shérif et ses frères,qui sont en infériorité numérique,tandis que Wyatt,révolté par l'assassinat d'un de ses frangins,tué à sa place qui plus est,abandonne pour une fois ses principes intangibles pour se livrer à un combat de rue parfaitement illégal.Dommage que tout ceci soit traité sur un tempo trop lent et d'une manière chaotique,surtout qu'il faut se fader en sus les histoires d'amour parasitaires entre Earp et la belle Laura,joueuse professionnelle,et entre Doc et la moche Kate,relation cyclique et orageuse.Par-dessus le marché,on a droit aux fréquentes leçons de morale que le shérif inflige à tous ceux qui se comportent mal,car il parait s'être investi d'une mission quasi religieuse,d'ailleurs Doc le surnomme "le prêcheur".Tout ceci finit par faire beaucoup et la barque est un peu chargée.Reste un bel hommage à ces hommes qui ont permis à l'Amérique de sortir de la sauvagerie des origines,en refusant de se résigner à l'entropie et en faisant preuve d'un courage qui a coûté la vie à pas mal d'entre eux.D'autant qu'ils l'ont fait pour des raisons morales et désintéressées,comme le démontre l'antagonisme opposant Earp et son ami Cotton Wilson.Ce dernier,shérif héroïque en fin de carrière,se laisse corrompre,réalisant que sa vie au service de la Loi va se conclure par une pension minable.D'autres westerns ont rendu justice à ces héros avec des scripts assez proches,notamment "Le train sifflera trois fois" avec Gary Cooper,ou "Rio Bravo" où les rapports entre John Wayne et Dean Martin ressemblent énormément à ceux unissant ici Burt Lancaster et Kirk Douglas.Il est regrettable qu'un peu plus d'un siècle après la sauvagerie désordonnée et la corruption généralisée soient de retour.La distribution de légende est pour beaucoup dans la qualité de l'oeuvre,à commencer évidemment par les deux vedettes au mieux de leur forme.Lancaster,athlétique et autoritaire, affiche une présence fantastique,alors que Douglas crève l'écran en alcoolo à fleur de peau,toujours prêt à exploser.La galerie de seconds rôles est mirifique.On voit là la splendide rousse Rhonda Fleming en aventurière prête à se ranger par amour et dont le duo avec Lancaster est d'une troublante sensualité.Du côté des bons,on remarque l'excellent Earl Holliman qui joue Charlie,l'adjoint d'Earp,et DeForest Kelley qui est Morgan,un des frères de Wyatt,et qui deviendra célèbre dans la peau du docteur McCoy dans "Star Trek".Entre les deux clans il y a Billy,le plus jeune des Clanton,qui voudrait bien arrêter les tueries mais y renoncera par fidélité à sa famille.Il a les traits d'un tout jeunot Dennis Hopper,déjà versé dans les personnages ambigus,qui remplit son office brillamment.Au rayon méchants,c'est la grande fiesta.Le plus en vue est le prodigieux John Ireland,qui incarne Johnny Ringo,tueur multicarte d'une cruauté absolue et ennemi juré d'Holliday.Mais on a aussi Ted de Corsia,qui est le très provocateur Shanghai Pierce,Lee Van Cleef,que Sergio Leone n'avait pas encore consacré star du western spaghetti,et l'indispensable sale trogne de Jack Elam.Déception en revanche avec Jo Van Fleet,l'interprète de Kate.Si elle a le physique adéquat et la vulgarité requise pour ce rôle,elle s'abîme hélas dans un surjeu peu convaincant.Elle avait été révélée deux ans avant par "A l'est d'Eden",dans un emploi assez similaire et où elle était la mère de James Dean,également prénommée Kate,sa performance lui valant l'Oscar du meilleur second rôle.Et Lyle Bettger manque de charisme pour incarner Ike Clanton,le méchant en chef.Signalons que ce film est la troisième adaptation de cette histoire,après "Frontier marshall" d'Allan Dwan en 39,et "La poursuite infernale" de John Ford en 46.Il y en aura d'autres ensuite,comme les deux versions consécutives de 93 et 94,le "Tombstone" de George Pan Cosmatos et le "Wyatt Earp" de Lawrence Kasdan.Détail amusant,c'est Kurt Russell qui interprète Wyatt Earp dans "Tombstone",alors que son père Bing Russell tenait un petit rôle dans "Règlement de comptes à O.K. Corral".