Après sa sortie (trop) discrète, des retours (très) réservés puis, finalement, une séance tardive, Régression semble plutôt sous-estimé, bien qu'il ne rivalise à aucun moment avec les chefs-d'oeuvre de son auteur.
Malgré la distance qu'impose Amenabár au public, il est plutôt facile de se plonger dans cette enquête bourrée de faux-semblants. De façon étrange, le scénario a tendance à énumérer ses pistes avant de les explorer (là où Les Autres offrait une immersion immédiate), et il faut un certains temps d'adaptation pour apprécier Régression comme un exemple rare de thriller dont l'émotion naît d'arguments intellectuels. En sortant, pas moyen de se raccrocher à un personnage attachant, plutôt à une idée : celle d'un récit agnostique, donc ouvert au doute. C'était déjà le cas avec Les Autres, où les certitudes et le vocabulaire de l'héroïne bigote se heurtaient à un imaginaire inconcevable. Ok, on ne trouve pas ici d'équivalent aux enjeux viscéraux de ce film de fantômes. Cela n'empêche pas le réalisateur de trousser une scène aussi marquante que la visite de la grange, où il superpose deux perceptions distinctes par l'image et par le son. À l'écran, le résultat rejoint vite le fameux passage des Autres où la mère de famille, persuadée d'entendre quelqu'un jouer du piano, peine à en trouver une confirmation visuelle. Le rapport à l'image est ici inversé, les espaces vides donnant à Ethan Hawke l'illustration nécessaire au témoignage qu'il réécoute. Thématiquement, Amenabár exprime ici l'essentiel de sa réflexion, l'homme questionnant la notion de véracité (celle que voudrait déceler Hawke), de croyance (celle qui bouffe tout espoir de dialogue rationnel) et de confiance (celle que le public accordera, ou non, au point de vue exposé par la caméra selon les séquences). Avec une virtuosité tranquille, Amenabár se paye un film imparfait mais empli de son habituel respect pour le genre abordé.
Et ça, c'est pas demain la veille que je vais le reléguer au rang d'oeuvre anonyme, bien que son imagerie diabolique un peu datée peine à faire honneur à une intrigue courageuse, au sens où son intérêt principal est, justement, la perception de l'intrigue. C'était peut-être trop de faire reposer l'édifice sur des arguments de série B de prestige, mais Amenabár continue de bâtir une filmo éclectique où la matière grise a droit de cité. Si l'on compte en prime une photo, des décors et une direction d'acteurs plutôt soignés, ça mérite bien qu'on fasse un effort pour gratter la surface des choses, non ?