Comme chacun, j'ai beaucoup aimé le choix du film de raconter une (non) invasion extraterrestre en maintenant son regard au niveau de l'homme ordinaire. Et comme ces petits êtres étranges venus d'ailleurs sont pacifiques, on se dispense de grande figure héroïque venu sauver le monde et anéantir la menace. J'ai trouvé que le film ne faisait pas non plus une démonstration de patriotisme grandiloquent, puisque le personnage qui représente les institutions politiques est français (le professeur Lacombe, joué par François Truffaut), ne parle pas anglais ou très peu, et est surtout celui qui comprend avant les autres ce que veulent les aliens.
J'ai aussi aimé que le film prenne son temps, crée une ambiance mystérieuse, et joue à fond le suspense: à de nombreuses reprises la caméra se concentre sur les visages des personnages pour saisir leur réaction, alors que l'action se déroule face à eux, en contre-champ. Et surtout le film ne se dévoile pas entièrement, il nous laisse draper dans le mystère et se retient d'être trop bavard, trop explicatif. Il fait dire à ses personnages, comme par empathie avec les spectateurs, "je ne comprends pas", et sans doute ne comprendrons-nous pas tout, notamment la motivation des extraterrestres.
Evidemment, comme tout le monde, j'adore l'idée de la musique comme moyen de communication universelle. Déjà parce que ça renforce l'idée d'une civilisation pacifique, et parce que c'est attendrissant: l'échange musical entre les humains et une énorme machine spatiale a des émotions à nous faire partager.
En revanche, le principal défaut du film réside dans son héros, Roy, et du traitement de sa famille. A la fin du film, le héros quitte tout pour suivre les extraterrestres et obéir à une vocation, une évidence, un destin irrésistible. Or il s'agirait bien plutôt d'envoûtement, car sa première rencontre avec les extraterrestres vont lui graver au fond de la cervelle une idée qu'il n'avait pas auparavant. Il devient obsédé par elle. Ce sera la vision de la montagne. Mais il n'est pas le seul à vivre ce phénomène, il y a Jillian et son fils par exemple. Seulement, Roy prendra finalement la décision de quitter femme et enfants, tandis que Jillian décide de demeurer sur Terre.
Le film choisit de nous montrer les effets de son obsession sur sa famille: sa femme, naturellement, prend peur et en devient hystérique, les enfants reçoivent à leur tour cette angoisse et s'enferment dans leur chambre pour se protéger. On nous montre au début une famille heureuse, ordinaire, qui vit sa vie tranquillement, et des enfants qui aiment leur père et jouent ensemble. Puis dans une longue scène, Roy semble submerger par son idée et achève d'effrayer une bonne fois pour toute sa petite famille qui prend la fuite. Et on ne les reverra jamais, alors qu'on a constaté leur profonde tristesse, leur désarroi face au comportement paternel. C'est à eux que je destine toute mon empathie. Roy devient alors à mes yeux un monstre d'égoïsme et d'indifférence (d'ailleurs peu après sa première rencontre, on nous le montre totalement indifférent aux gestes de tendresse de sa femme, et profondément fasciné par ce qu'il a vécu). Je ne peux pas m'empêcher de penser à eux quand il grimpe dans la soucoupe volante. Et je le redis, il a le choix, puisque Jillian, mêmement envoûté, prend le parti de rester sur Terre, alors que finalement rien ne la retient vraiment puisqu'elle récupéré son fils. Et le film prend le parti de Roy, puisque tous les protagonistes présents dans la scène du départ ont une mine ravie et l'encouragent. Rien ne vient nous rappeler au bon souvenir des ses enfants et de sa femme que l'on a vu mort d'inquiétude pour lui.
Pour moi, c'est un raté du film, parce que je doute que le but était de faire de Roy un personnage cruel, cynique, égoïste. Et si tout son comportement se justifie par la manipulation mentale des extraterrestres, et bien je ne les trouve pas sympathique le moins du monde. Au contraire, on devrait plutôt commencer à se méfier d'eux...