Une très jolie comédie de mœurs signée Ernst Lubitsch, qui au-delà de l'histoire d'amour centrale et traditionnelle, propose une magnifique analyse satirique des relations sociales et des rapports de classes.
Le metteur en scène d'origine autrichienne situe son récit en Hongrie, dans une petite échoppe qui vend des biens de consommation courants aux classes moyennes de la capitale Budapest.
On peut imaginer que ce choix lui permet de se montrer aussi mordant que possible en ce début d'années 40, où le code Hays est déjà bien en place. Condamner certains comportements des hongrois est évidemment moins mal-vu que de s'en prendre directement à la société américaine.
Quoi qu'il en soit, la critique sociale a beau être subtilement féroce par moments, le ton de "The shop around the corner" reste bon enfant et optimiste dans l'ensemble. Le récit met l'accent sur la rencontre imprévue, sur leur lieu de travail, de deux correspondants épistolaires très épris l'un de l'autre dans leurs courriers, alors qu'ils ne cessent de s'opposer dans la réalité.
Le jeune homme joué par James Stewart (expressif mais coincé) découvre assez vite le quiproquo, et s'en amuse pour faire tourner en bourrique sa partenaire, la jeune et enjouée Margaret Sullavan.
Autour de ces deux-là évolue tout le microcosme de cette entreprise à échelle humaine, entre un patron exigeant et paternaliste, un jeune coursier ambitieux et culotté, et un père de famille sympathique mais couard, tant il craint de perdre sa place en cette époque de misère et de chômage.
Utilisant habilement cet arrière-plan historique, Lubitsch met en place son récit avec une précision et une efficacité redoutable, chaque ressort scénaristique trouvant sa place dans ce petit théâtre de la vie.
Seule la séquence finale entre les deux amoureux m'a semblé maladroite, et vient offrir un dénouement pas vraiment à la hauteur de ce petit chef d'œuvre de comédie sentimentale, d'une étonnante modernité quatre-vingt ans après sa sortie.