Dracula évoqué à travers le regard de son esclave Renfield. Esclave qui essaye de se détacher de l'emprise de son maître pour retrouver une existence d'être libre, tout en essayant de se reconstruire psychologiquement. En voilà une bonne idée pour renouveler un mythe, tant de fois abordé au cinéma. Non, sérieux, il y avait réellement de quoi faire une œuvre intéressante, que ce soit sous l'angle d'un drame, que sous celui d'une comédie. D'ailleurs, c'est cette dernière option qui a été choisie. En plus, il y a Nicolas Cage portant le costume et les canines du plus célèbre vampire du monde. Là, il y avait vraiment de quoi faire quelque chose de fort, qui déchire. Le potentiel de dingue...
Donc, vous vous doutez de quoi ça parle ? De ce qui prend 95 % du long-métrage ? Oui, vous avez une réponse enthousiaste toute prête à sortir de votre bouche. Eh oui, on a le droit à une intrigue bien bourrine et stéréotypée sur un duo qui combat une ville gangrénée par la corruption et dirigée par un groupe puissant de trafiquants de drogue. Ouais, le genre d'intrigue bien bourrine et bien stéréotypée, déjà vue et revue un milliard de fois autre part. Yeah... Ce qui donne l'occasion de croiser un Ben Schwartz, en bouffon fils à maman méchant, qui crispe les nerfs en en faisant dix mille tonnes à chaque fois qu'il apparaît. Et aussi celle de s'extasier sur l'absence de talent d'Awkwafina, dans le rôle d'une flic incorruptible, seule contre tous, qui, avec la voix la plus irritante qui puisse exister (elle est aussi harmonieuse que celle d'une vieille de quatre-vingt-dix ans ayant fumé toute sa vie dix paquets de clopes par jour avant d'attraper un cancer du larynx tout en continuant, malgré tout, à se bourrer la gorge de nicotine !), ne trouve pas mieux que de vouloir parler plus fort que les autres, tout en assenant une vulgarité tous les deux mots. Ouais, le scénariste Ryan Ridley sait créer des personnages attachants et le réalisateur Chris McKay sait sélectionner ses acteurs, c'est ouf.
Et, outre, la subtilité et l'originalité, l'histoire a le mérite de faire dans la vraisemblance. Ouais, les policiers corrompus n'ont l'idée de se pointer dans l'appartement du protagoniste qu'ils traquent que quand le scénario leur dit de le faire. Et que faites-vous quand vous êtes recherché par des gens souhaitant vous zigouiller ? Ben, vous vous mettez à l'aise à la terrasse d'un café. Ouais, logique... Les trafiquants et la police (sauf notre flic insupportable !) de la ville, dans laquelle se déroule l'action, sont complices dans la crapulerie. Tout le monde le sait, y compris le FBI, mais personne ne réagit ? Eeeeeeeuuuuuhhhhh...
Quoi ? Renfield tentant d'échapper à l'emprise de son maître, Dracula ? Ne vous inquiétez pas, le personnage principal aide la flic seule contre tous... Oui, mais Renfield et Dracula ? Ben, il y a une séquence d'intro lors de laquelle la tronche de Cage est collée en CGI sur celle de Béla Lugosi et la gueule de Hoult sur celle de Dwight Frye, sur des extraits du Dracula de Tod Browning de 1931. Ceci pour donner l'impression que le récit en aura quelque chose à foutre, pour la suite, de l'univers du vampire, que ce n'est pas uniquement un argument commercial presque pas exploité dans le film. Ouais, mais les relations entre ces deux personnages ? Oui, ça prend 5 % du film, c'est génial. Et il y a le gag très bon du paillasson (c'est la seule fois lors de laquelle j'ai esquissé un sourire durant le visionnage, me sortant brièvement d'une certaine somnolence !). Ouais, mais les relations entre le maître et l'esclave, l'emprise à laquelle le second tente d'échapper, tout ça ? Ben, 5 % du film ! Et rien n'a le temps d'être développé alors, comme les raisons qui poussent Renfield à vouloir retourner à une vie normale, etc. ? Ben... il y a le truc des trafiquants de drogue... Quoi, ce n'est pas ce que vous vouliez d'un film sur Dracula et son esclave, une intrigue bien bourrine et bien stéréotypée, vue et revue un milliard de fois, avec des trafiquants de drogue, avec des personnages tellement saoulants, que vous avez envie de leur enfoncer un pieu dans le cœur pour qu'ils ferment à jamais leur putain de gueule ?
Bon, reste qu'il y a de convaincantes séquences de baston (dont une à la toute fin entre le maître et l'esclave pour essayer de faire croire que le scénariste ainsi que le réalisateur en ont eu quelque chose à foutre, pendant la grande majorité de tout ce qui précédait, du Bram Stoker, de ses innombrables adaptations et autres dérivés !), si on aime les coups de kung-fu (mouais, il y a du kung-fu !) donnés à dix mètres des adversaires, les montages surdécoupés pétés, phagocytant toute compréhension de l'action, et des explosions de sang réalisées en post-production par un stagiaire, sans expérience, exploité et surmené, lors de sa première journée de travail.
Et Nicolas Cage ? Oh, il a une durée de présence avoisinant les dix minutes-un quart d'heure. Quoi ? Ben ouais, il y a l'histoire des trafiquants de drogue. C'est le plus important, non mais... Et il y a le gag du paillasson, voilà...