Nous sommes en 1915 dans le sud de la France. La jeune Andrée (Christa Théret) se présente à la propriété des Renoir où elle a appris qu’il y aurait du travail. Elle arrive à un moment un peu délicat, car le peintre (Michel Bouquet) est veuf depuis peu et son fils Jean est à la guerre.
Andrée réussit néanmoins à se faire engager pour poser, mais seulement parce qu’elle se présente et montre qu’elle compte bien se faire rémunérer. Ses preuves de caractère n’iront guère plus loin. Si, elle finira par casser quelques assiettes, reprochant à Renoir de n’être qu’un peintre sur porcelaine, puisqu’il s’est vanté d’avoir commencé ainsi. Il a même enchainé en disant qu’il aurait pu le rester toute sa vie et en être satisfait. Pour lui, ce sont les circonstances qui ont fait de lui un peintre de renom.
Il faudra un certain temps pour que, abandonné par Gabrielle (dont l’entourage affirme qu’elle ne se contentait pas de l’inspirer artistiquement), devant Jean (Vincent Rottiers) rentré blessé de la guerre (blessure à la jambe qui le handicapera pour le restant de ses jours), le peintre évoque la féminité, le charme et le velouté de la peau d’Andrée (précision : Christa Théret, oui pour le charme mais pas pour la crédibilité historique, car Andrée était bien en chair). Andrée se dit artiste, chanteuse, danseuse et actrice. De cinéma demande Renoir ? Non, de théâtre. La question peu probable me semble juste là pour faire sentir que Jean deviendra cinéaste.
Le film montre que la belle Andrée est plus sensible au charme du désinvolte Jean qu’à celui du peintre vieillissant. L’évolution des relations se faisant au gré des séances de pose, repas de famille et discussions dans la nature.
Le côté esthétique très soigné est indéniable, même s’il concerne avant tout les décors et la luminosité. Et puis, l’état de santé d’Auguste Renoir se fait clairement sentir. Il ne se déplace plus, bien que son médecin lui fasse comprendre qu’il est capable de quelques pas. Renoir se fait porter et Claude (Thomas Doret très bien même si on le voit peu) lui présente un système qui lui permettra plus de confort pour peindre. Renoir est en effet perclus de rhumatismes, en particulier aux mains.
Malheureusement, le film le montre peindre sans trop montrer en quoi ses mains le handicapent. Et puis, ce film où les couleurs sont magnifiques ne fait qu’effleurer ce thème dans l’œuvre du peintre. Celui-ci se contente d’affirmer « qu’un tableau doit être aimable et beau » et que « ce sont les couleurs qui comptent ».
Autre point regrettable, nous sommes en pleine guerre et cela ne se sent quasiment pas. La famille Renoir vit dans une grande propriété à l’écart de l’agitation du monde. On y mange bien et on emploie des domestiques. Jean soi-disant maigrichon quand il rentre, a ensuite affaire à un marchand ambulant à qui il achète une première bobine cinéma au nitrate. Celui-ci évoque les dernières nouvelles de la guerre et c’est tout.
Gilles Bourdos adapte un livre de Jacques, descendant Renoir en faisant les portraits de deux artistes majeurs, dont un cinéaste comme lui, et il les présente comme deux hommes sans grande personnalité. Auguste avec sa théorie de la brindille qui n’a pas d’autre moyen que de suivre le cours du fleuve sur laquelle elle flotte. Le peintre a acquis la reconnaissance pour avoir grandement contribué à l’impressionnisme. Le réalisateur passe complètement à côté d’un thème majeur en ne donnant au peintre que quelques maigres répliques pour justifier sa vision de son art. A quoi bon terminer un tel film en disant que Renoir a peint « Les grandes baigneuses » comme son testament artistique en survolant l’élaboration du tableau ? Quant à Jean, même si on peut imaginer que son caractère se soit forgé à la guerre (Andrée ne comprend pas qu’il puisse se réengager pour y retourner, elle le voit comme un rentier qui vivra de l’œuvre de son père), rien ici ne permet d’imaginer la métamorphose du jeune homme affirmant n’avoir « ni rêve ni ambition » en cinéaste de talent, futur réalisateur, entre autres, de « La grande illusion » « La règle du jeu » « French cancan » et « Une partie de campagne ».
Bref, voilà un film qui évoque l’ambiance dans une maison qui semble préservée de quasiment tout, dans une période difficile. On peut comprendre que Renoir le peintre alors âgé recherche le calme pour aller au bout de son œuvre. Malheureusement, le réalisateur se contente d’effleurer l’essentiel de son sujet en faisant de la belle image, comme si son ambition se résumait à exploiter la vision réductrice d’un peintre un peu mièvre.