Après huit documentaires ouvertement engagés, se penchant sur le monde de l’entreprise (« Ma Mondialisation », 2006, « De Mémoires d’Ouvriers », 2012), les idéaux de la Résistance (« Walter, Retour en Résistance », 2009, « Les Jours heureux », 2013), l’histoire de la Sécurité Sociale (« La Sociale », 2016), le parcours de Jean-Luc Mélenchon (« L’Insoumis », 2018), les Gilets Jaunes (« J’veux du soleil ! », 2019) puis le rôle des femmes dans ce que l’on nomme « les métiers du lien » (« Debout les Femmes ! », 2021), Gilles Perret (16 juin 1968, Haute-Savoie -), secondé au scénario par sa compagne Marion Richoux - ainsi que par Raphaëlle Desplechin et Claude Le Pape, également aux dialogues -, ouvre grand ici les portes de la fiction, qui lui apporte plus de liberté, en même temps que l’assurance de ne compromettre personne ! Une fiction qui lui permet tout à la fois de dénoncer la mainmise, bien réelle, des groupes financiers sur le fonctionnement des entreprises, et d’offrir une ligne de fuite vers une possibilité de gestion idéale, à travers le montage d’un coup stratégique qui retourne contre le lobby de la finance ses propres armes.
Advient ainsi l’idéal, le rêve social, mais non l’utopie. Car le réalisateur ancre son scénario dans un lieu très précis, une vallée alpine qu’il connaît bien pour y avoir passé son enfance et une partie de sa jeunesse, la Vallée de l’Arve, et une usine de décolletage qu’il connaît tout autant pour y avoir passagèrement travaillé à la suite de ses propres parents, avant de se tourner vers le cinéma. On voit qu’ici le réel n’est pas si loin, et que son sang, parfois au sens propre, irrigue véritablement la fiction qui se greffe sur lui.
Son sang et sa chair, puisque Cédric (Pierre Deladonchamps), le personnage principal, n’hésite pas à mettre la sienne en danger lorsque, une fois sorti de l’usine, il escalade à mains nues les parois verticales qui enclavent abruptement sa vallée. Car cet ouvrier qui ne cesse, dans la droite ligne de son père tendrement incarné par Rufus, de dénoncer ses conditions de travail, est un homme qui monte. À la différence du trop ambitieux et trop déloyal Frédéric, superbement campé par Finnegan Oldfield dans toute son ambiguïté, qui ne cesse de surévaluer ses propres capacités dans ses tentatives, aussi volontaristes que vaines, pour s’élever.
Adjoignez à ce duo intéressant de contraires deux sympathiques copains d’enfance (Grégory Montel et Vincent Deniard), plus ou moins gaffeurs, une comptable dévouée (Laetitia Dosch), Jacques Bonaffé dans un rôle secondaire mais significatif, vous obtiendrez une comédie sociale résolument optimiste, tournant délibérément le dos au drame et parvenant, sur un sujet d’économie actuelle, à insuffler de l’espoir plutôt que du désespoir. Ce qui n’est pas rien, par les temps qui courent…