Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le LBO sans oser le demander

Gilles Perret - dont les principaux faits d'armes se retrouvent plutôt dans le documentaire - s'essaie avec ce film à la comédie sociale, façon british. S'il lui manque un peu la pointe d'humour et le sens du gag de certains réalisateurs d'outre-manche, force est de constater que le truc est plutôt bien réussi.

Après, le vrai propos du film est avant tout pédagogique et c'est là que c'est en fait une vraie réussite : il arrive à exposer de façon claire ce qu'est le LBO ou Leveraging Buy Out, dont la dénomination en sabir financier implique que le pékin de base n'y pige que dalle. Alors qu'en fait, c'est tout con (et c'est souvent le cas en finance lorsqu'on l'explique de façon intelligible, mais allez savoir, il ne vaut peut-être mieux pas que trop de monde s'en aperçoive). Mettons que vouliez rattacher une entreprise pour un montant de 100 : vous empruntez 80 (mettons à 2%) et vous apportez les 20 restants par vous même (pour garder le contrôle de la boite et aussi pour rassurer votre prêteur). Si, à l'échéance de l'emprunt, l'entreprise a affiché une rentabilité de 5%, vous gagnez 5% sur votre mise de 20 et 5%-2% = 3% sur les 80 que vous avez emprunté. Un rapide calcul vous convaincra que vous avez alors gagné beaucoup plus de thunes sur les 80 empruntés que sur les 20 de votre mise personnelle. Et si vous disposiez des 100, vous pouvez réitérer l'opération 5 fois. Et ne pas mettre tous vos oeufs dans le même panier, mais dans 5 paniers différents : pas plus mal, car parfois ça foire. Et, enfin, cerise sur le gâteau, si vous arrivez à revendre au bout quelques années l'entreprise plus cher que vous ne l'avez réellement payée (à savoir 20), c'est jackpot.

C'est effectivement comme ça que fonctionnent les fonds d'investissements dans la vraie vie. Mais la martingale ne fonctionne que si l'entreprise dégage une très bonne rentabilité; ou, dit autrement, plus elle est rentable, plus ça rapporte gros. Comme ce sont généralement des entreprises en difficulté qui sont ainsi rachetées (elles coûtent moins cher), on imagine aisément les conséquences que peuvent avoir sur les salariés et leur travail les mesures mises en œuvre pour restaurer la rentabilité de la boite.

Le film est ainsi construit autour d'un rachat en LBO, mais aborde à côté de cela et de façon que j'ai trouvée réaliste les rapports sociaux au sein d'une entreprise. Ainsi, son scénario n'est pas du tout abracadrant et parait complétement plausible. Si d'aucuns pourraient reprocher à Perret sa vision un peu caricaturale des diverses classes sociales et corporations qui interviennent dans l'intrigue, j'ai tendance à penser qu'il s'agit d'un parti pris : les ouvriers sont sympas, l'encadrement intermédiaire est compétent et non dénué d'une certaine conscience mais d'une certaine manière pris entre le marteau et l'enclume, le PDG est ignoble et je ne parle même pas des banquiers et des fonds d'investissement. Apparait également un patron de PME, sympa lui aussi. Il est clair que certains pourront trouver que cela manque de nuance, mais tout aussi clair que Perret veut faire passer à travers son film un message politique. Et, puis après tout, dans le cinéma français, les films qui valorisent des bourgeois (des bobos notamment), des entrepreneurs ou des dirigeants d'entreprise ne manquent guère, de même que ceux dans lesquels les prolos apparaissent comme de parfaits abrutis. Disons qu'ici, ça équilibre un peu...

Reste que même si le scénario n'est pas si mal torché, on sent que Perret est avant tout un réalisateur de documentaires et qu'il ne maitrise pas encore tout à fait toutes les ficelles du film à intrigue. On passe quand même un bon moment en visionnant ce film, loin d'être révolutionnaire puisque les salariés ne vont pas renverser la table mais pièger le système avec ses propres armes. Mais le côté pédagogique est très bien fait, sachant qu'hélas ne le verront probablement que des spectateurs déjà convaincus.

Marcus31
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le 26 oct. 2022

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