Il y eut de nombreux films-chocs dans ma vie de jeune cinéphage, entre mes 10 ans et le début de la trentaine particulièrement. Ils arrivaient régulièrement, comme exemple je pourrais donner Les Dents de la Mer, Alien, Terminator, Les Diaboliques, Prédator, Platoon, Le Vieux Fusil, tantôt par le grand écran, tantôt par mon "scope" adoré.
C'est par ce dernier support que je découvris le premier film de Quentin Tarantino, Réservoir Dogs.
C'était quelques semaines avant la sortie de Pulp Fiction, qui était précèdée d'un buzz très positif (bien que le terme "buzz" n'existait pas à l'époque). Alors un samedi soir, lendemain d'une de mes premières cuites sûrement mémorable puisque je ne me souvenais de rien, nous décidions, mes potes et moi, de le louer.
Évidemment, choc ! Evidemment le cinéma venait de se trouver un nouveau maître, qui s'ignorait encore lui-même. Évidemment le budget est limité et si ça se voit, ça ne se sent pas. Évidemment, Réservoir Dogs appelle Pulp Fiction. Pourtant des influences de QT, tout est déjà là, narration destructurée, dialogues décalés souvent drôles, langage ordurier, références multiples à la pop culture, hommages à nombres de films, voire au cinéma lui-même, et bien sûr une bande-son innovante souvent dépoussiéré du passé.
Alors oui, ce premier film, par définition même colle beaucoup à ses modèles initiaux (notamment City on Crime de R. Lam) mais par une science du placement et du rythme né du visionnage massif de pellicules issues de TOUS les cinémas, QT parvient à s'émanciper de ceux-ci pour livrer une œuvre indépendante très originale.
Le passage derrière la caméra du primo-scénariste de Tueurs Nés ou True Romance est remarquable et remarqué. Déjà accompagné par une troupe d'acteurs solides (Keitel, Buscemi, Roth, Madsen...), Tarantino apparaît même brièvement dans sa pelloche, dans le rôle d'un des braqueurs.
La revisite d'un genre, le film de gangster (en huis-clos), confinant à la réappropriation, par l'un des cinéastes les plus influents de la dernière décennie du XXe siècle.
"We are f***ing professionals!"