Le voir en version française n'aurait aucun sens. Ce serait perdre tout le sel narratif d'un film qui tire avant tout son génie et sa singularité d'une écriture punchy fondée sur des dialogues hallucinants.
Le voir en version originale, sans avoir une excellent niveau en slang américain, c'est ne pas pouvoir tout suivre - disons le tout de suite. Les clins d'oeil culturels, les multiples références sociales, sociétales des années 90, le jargon typique des gangsters, le parler oral et grossier de cette galeries de barjos requièrent une culture savante et une parfaite maîtrise des méandres de la langue de Shakespeare. Passée cette première difficulté, Reservoir Dogs se déguste comme une oeuvre vitaminée, violente aux échanges savoureux.
Avec toujours ce qui fait la brillance de Tarantino dans toutes ses oeuvres à venir - un délicieux cocktail de comédie, de cruauté, de cartoon et d'humour noir qui se boit cul-sec. Sans parler de la musique, fabuleusement bien choisie, comme toujours.
Oser une scène de torture immonde sur des notes festives, colorées, des années 60, il fallait le faire. A bien des égards, ce premier film du grand Quentin m'a évoqué son tout dernier opus, The Hateful Eight. Mêmes bavardages intempestifs - parfois un peu à rallonge - mêmes personnages patibulaires, même huis clos menaçant qui s'achève forcément en bain de sang, même mise en scène intelligente.
Supériorité scénaristique ici, que ce twist étonnant qui m'a laissée pantoise (et m'a fait penser à Saw ! ) et qui dit toute l'ingéniosité de cette histoire, portée par des acteurs incroyables - Tim Roth et Harvey Keitel en tête pour moi.
On rit - la première scène autour du tipping, celle de la distribution des noms par Joe - on détourne les yeux - terrifiant Michael Masden (qu'on retrouve d'ailleurs dans The Hateful Eight), on sent monter la tension dans ces regards armés prêts à tagger le premier qui bougera et qui laissera percer sa dualité... Encore un film qui nous parle du jeu, des masques, des dissimulations - intéressante métaphore du cinéma, toujours jubilatoire.
Et cette première scène sur l'excellent Little Green Bag : ou comment asseoir un culte avec un simple morceau et quelques paires de Ray Ban...