Puisqu'on ne vivra jamais tous les deux, j'aimerais quand même te dire...
Restless… Et Gus Van Sant me terrassa. Une fois encore et comme à ses plus belles heures. Le plus fort dans tout ça, c’est que c’était absolument inattendu. On parlait d’un film mineur pour le génie de Portland après l’académique Harvey Milk. Il faut reconnaître que c’est vrai et que la bande annonce et le pitch de départ n’annonçaient absolument pas le film évènement, celui qu’il ne faut surtout pas rater. Alors oui, je l’ai raté en 2011 et j’en ai pas éprouvé la moindre gêne. Mais qu’est-ce que j’avais tort ! Restless, c’est finalement une découverte un peu tardive qui est venu bouleverser ma dernière soirée de 2012. Et quand je dis bouleverser le mot est faible, Gus Van Sant, avec toute son habilité, son savoir-faire et son art lyrique de la mise en scène, a su trouver de quoi m’inspirer, m’enchanter et m’a cueilli à froid. Je pensais, tout au fond de moi, que ce Restless se révèlerait être un film simple, charmant mais sans retour de flammes. Rien de plus qu’une transition. Mais il n’en est rien et après Paranoid Park, lui aussi classifié film mineur du cinéaste, je me suis rendu à l’évidence : peu importe l’ambition du projet, tout ce qui passe devant la caméra de Gus Van Sant se transforme en or. Un cliché, ouais et je plaide coupable mais dans cette nouvelle production placée sous la tutelle de la belle Bryce Dallas Howard, il n’y en a absolument pas. Et c’est quelque chose de fabuleux quand on regarde le sujet du film. Comment d’un postulat aussi proche d’un tire-larmes classique peut-on tirer une telle grâce ? Au moins, c’est net, il faut s’appeler Gus Van Sant pour ça. On ne le peut qu’en étant lui. Jamais, on ne part dans les excès hautement dramatiques et larmoyants sur lesquels auraient appuyé avec lourdeur pratiquement n’importe quel autre cinéaste l’air de dire : « Oh regardez comme c’est triste, elle va mourir et ils sont très déprimés. » Chez Gus Van Sant, l’ambiance n’est pas à la dépression ou à l’apitoiement, on vogue vers la mort avec une intense légèreté, une douce mélancolie. Et si cette mélancolie se mêle à l’éclosion ici et là de fulgurances comiques et d’un humour parfois noir que l’on ne soupçonnait pas forcément du réalisateur de Portland, c’est pour mieux faire fleurir cette naissance. Celle d’un amour impossible et exigeant, si sombre à l’intérieur mais si lumineux en apparence auquel le couple d’acteurs s’adonne dans un équilibre instable mais pas moins rayonnant. Henry Hopper et Mia Wasikowska ne sont pas pour rien dans la réussite de ce film. Ils donnent vie à ce duo touchant, d’une tendresse infinie et permettent à Van Sant de peindre un amour aussi timide que parfait, en toute harmonie, toujours à deux doigts du sublime, mais qui n’est qu’illusoire car déjà condamné. Condamné avant même d’exister et c’est peut-être là ce qui rend le lien encore plus fort. Plus complexe aussi. La mort, toujours la mort et elle se trouve même à être personnifiée dans Restless, sous les traits d’un kamikaze japonais tombé en disgrâce dans la carlingue d’un avion en flammes pendant la seconde guerre mondiale. Elle agit comme l’élément déclencheur, celle qui autorise tout mais qui pourtant menace. Mais ils ne se la figurent pas, si le temps est compté alors ils doivent en faire des folies et ne jamais s’égarer hors des sentiers de cette balade romantique funéraire. Elle est là toute l’habileté de Van Sant qui joue sa partition avec une grâce de tous les instants. Et pourtant c’est un film mineur de sa filmographie. Mais qu’est-ce qu’il est beau !