Un fils d'immigré marocain fâché avec son père revient voir sa famille dans son HLM alors qu'il est devenu riche à Abou Dabi et marié à une américaine.
Voilà un résumé qui ne m'attire guère dans les salles de cinéma. Mais en voyant une note correcte, on s'y laisse tenter. Et effectivement, cette histoire qui peut paraître un support éculé pour parler de traditions musulmanes, d'intégration et de misère des quartiers populaires s'avère un support juste pour parler de traditions musulmanes, d'intégration, de misère des quartiers populaires. Car il parle d'abord d'une famille particulière au passé particulier, de personnes particulières dans une ville particulière.
Retour à Bollène n'est pas une thèse, n'est pas une démonstration, n'est pas une leçon de morale ou d'altruisme, ni même un positionnement sur l'état de nos petites villes du sud du pays. Nassim n'est pas le gentil fils d'immigré intégré sans accent qui aime boire du vin. Ce personnage principal qui a réussi à l'école, parle français sans accent et aime boire du vin est à plusieurs points de vue antipathique et méprisant, notamment à l'égard de sa famille et de leurs traditions. Nassim et son entourage sont des personnes et, même si certains clichés passent devant la lentille parce qu'ils existent, ils ne sont jamais traités comme tels. Ainsi, les personnages ne sont pas là pour représenter leur communauté, leur classe sociale ou un problème politique. La caméra les respecte tous profondément, même l'élu politique d'extrême droite, filmé avec une grande douceur et à qui on offre une parole amère sans la facilité de la colère ou de la stupidité. Le thème du père ennemi sans que l'on sache pourquoi ne nous tire pas par le bout des yeux pour un suspense de divertissement bonus, et saura lui aussi s'éviter les clichés de traitement habituels comme la crise familiale pendant le repas ou la vengeance. On frôle sans jamais les toucher de nombreux écueils de ce que l'on appelle le cinéma français quand il fait ce que l'on appelle du cinéma social.
Cette justesse, on la retrouve dans chaque séquence, dans chaque personnage, dans chaque dialogue. Saïd Hamich filme tout le monde avec égalité, sans jugement, et sans effet de style. La caméra est calme, au service de son sujet mélancolique ; politique en s'efforçant de ne pas l'être. Le mot d'ordre dans le rythme du montage, l'utilisation de la musique et la direction des acteurs est la sobriété. Lorsqu'un ami de longue date de Nassim se lance dans un rap médiocre, il a beaucoup à dire et capte notre attention alors qu'un bon rap ne serait pas du tout à propos. Voilà un choix subtil et presque contre-intuitif à faire pour un réalisateur. Dans une telle cinématographie, le petit budget se révèle le meilleur possible et les quelques fausses notes des acteurs probablement amateurs ajoutent un charme et une justesse de plus à la vision du réalisateur sur ses sujets.
*Retour à Bollène* montre une écriture portée par l'humilité et se dresse finalement bien au-dessus de ses ambitions agréablement modestes.