Wake in Fright aurait pu ne plus jamais retrouver le chemin des salles obscures. Alors que le film, sorti en 1971, n'avait jamais fait l'objet d'un portage VHS ou DVD, hormis une version de mauvaise qualité rebaptisée Svane ( ! ), des recherches furent lancées pour retrouver le négatif original. Pendant plus de deux décennies, des spécialistes ont fouillé dans tous les recoins de l'Australie sans succès. Finalement, les précieuses bobines furent retrouvées en 2007 à...Pittsburgh, dans une caisse marquée (selon la légende) « à détruire ». Le film eut ainsi droit à une remise à neuf, et une copie toute propre qui ressort enfin en salle. L'occasion de découvrir un chef d'oeuvre venu de l'autre bout du monde.
Réveil dans la terreur fut présenté au festival de Cannes en 1971 en même temps qu'un autre film Australien, Walkabout (ou La Randonnée) de Nicolas Roeg. Tous deux repartirent bredouilles, malgré leurs qualités indéniables. Le premier est tout de même bien moins hermétique que le second, sorte de trip méditatif dans le grand Outback, rythmé par les didgeridoos locaux. Moins hermétique, certes, mais pas forcément plus grand public. Réveil dans la terreur a gagné ses galons de film le plus terrifiant d'Australie, et aurait laissé Martin Scorsese « sans voix ». Dans les faits, le film est surtout une plongée dans le quotidien de ses petites villes coupées du monde, dans lesquelles les hommes tuent le temps comme ils le peuvent, et souvent à grandes goulées d'alcool.
On est très loin de la vision un peu romancée de l'aventurier Australien telle que présentée dans Crocodile Dundee, par exemple. En fait, le film de Ted Kotcheff se rapprocherait plus d'un Délivrance à la sauce Australienne, dans lequel un professeur propre sur lui se retrouve bien malgré lui embarqué dans une virée infernale faite de bière, de jeux d'argent, de bière, de chasse nocturne, de bière et de propositions indécentes. Toute la sauvagerie humaine se déploie le temps d'un week-end, sous un soleil de plomb, la photographie de Brian West retranscrivant magnifiquement ces étendues brûlées dans lesquels le sable vous dessèche la gorge. Le temps d'une nuit, aussi, dans une scène qui risque de faire tiquer plus d'un amoureux de la cause animale.
Comme c'était le cas dans Walkabout, les scènes de chasse sont en effet d'autant plus réalistes qu'elles ne sont pas simulées. Ainsi, la façon locale de chasser le kangourou apparaît dans toute sa brutalité, comme pour mieux dénoncer les conditions sauvages dans lesquelles les habitants traquent cet animal en voie de disparition. La mise en scène de Kotcheff est crue, sans fioritures, suivant au plus près ses personnages dans un style assez proche du western. Il faut dire que le bonhomme s'y connaît pour filmer la sauvagerie qui sommeille en chacun de nous, lui qui allait se faire connaître dix ans plus tard en mettant en scène le premier Rambo. Et, dans le genre, Réveil dans la terreur se pose là.
Le film ne donne pas vraiment une bonne image de l'Australie, mais on ne peut pas l'accuser de romancer les choses. Lorsque le film fut projeté au pays, et qu'un journaliste lui demanda s'il n'exagérait pas un peu les choses, plusieurs locaux répondirent que le film aurait pu être tourné dans leur jardin. Il aura fallu plus de quarante ans pour enfin avoir la possibilité de voir ce chef d’œuvre de barbarie sur grand écran. Mais Réveil dans la terreur vaut l'attente. Si la violence sourde dont il se fait le témoin risque de ne pas plaire à tout le monde, le film de Kotcheff reste un monument du genre, et on ne peut que remercier la providence de nous avoir permis de le retrouver enfin.
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