Sorti en 1971, ce film était totalement passé inaperçu en salles, en dépit d'un succès critique. Plus de 40 ans plus tard, et en restaurant le négatif qui a failli être détruit, le film sort à nouveau au cinéma ou des copies blu-ray de toute beauté (le disque édité par Eureka, pour mon cas), une présentation au Festival Lumière 2014 et la confirmation que Ted Kotcheff n'est pas l'homme d'un seul film, à savoir Rambo.
En Australie, un jeune prof, John Grant, part en vacances d'hiver (sous une chaleur accablante, hémisphère Sud oblige !) en train pour Sidney afin de rejoindre sa bien-aimée. Il est contraint de s'arrêter à Bundanyabba, dit Yabba, et ce qu'il va voir va complètement le transformer, lui qui était plutôt ordinaire, disons...
Annonciateur des premiers films de Peter Weir, Nicholas Roeg ou bien encore Mad Max, le film est un véritable cauchemar éveillé qu'on vit à travers le regard de John, qui s'accroche encore à une réalité qui est de sa femme, qu'il revoit à travers des bribes de flash-back.
Yabba est montrée comme une ville très étrange, quasiment composée que d'hommes, pour lesquels compte seulement les paris, la bagarre. C'est leur excitant, ce qui les tient en vie, alors qu'ils vivent de manière assez misérable dans une ville balayée par la poussière et le soleil de plomb.
La chaleur est un thème qui revient souvent dans le film. Tout le monde a l'air de souffrir de ce soleil (où les acteurs transpirent réellement à grosses gouttes), jusqu'à se doucher avec son pantalon ! C'est peut-être une explication à leur folie, car ils paraissent tous dérangés, que ce soit le docteur, un policier ou bien encore les habitants. On voit une seule femme, qui passe son temps à haleter derrière son comptoir d'un hôtel, mais qui aura une importance décisive pour la suite de l'histoire.
On peut y voir aussi l'évolution de John Grant, prof au départ tout à fait banal, qui n'a pas l'air d'avoir vécu grand chose dans sa vie, mais qui au contact des habitants de Yabba va se transformer, passant son temps à boire, à faire des paris, à hurler, et surtout, à s'intégrer parmi ces gens jusqu'à participer à une chasse aux kangourous.
Cette scène serait totalement impossible à tourner de nos jours, car figurez-vous que les kangourous tués sont bien réels, dont un plan où l'on voit une voiture percuter sous nos yeux une de ces bêtes et voler en l'air sous l'effet de l'impact.
Scandaleux ou pas, c'est malheureusement une réalité (à la sortie du film) que l'on voit, avec cette scène ô combien cruelle où les chasseurs quittent leur bagnole pour égorger les kangourous qui ont survécu mais qui sont blessés.
C'est une des rares fois que je trouve une scène ou cinéma pénible à voir, car on y voit au moins un kangourou se faire égorger, mais c'est ce qui va provoquer une cassure chez John Grant qui se rend que cette fois, sa folie l'a peut-être emmené trop loin.
C'est un film très impressionnant, à la réalisation qui ne peut que rappeler Sergio Leone, avec le plan d'ouverture et de clôture qui évoquent Il était une fois dans l'Ouest. L'Australie y est filmée comme une contrée aride, sans rien d'autre que de la poussière, et l'image de ses habitants n'est pas reluisante, y compris celle du flic. On est pas loin du western par moments avec ces bagarres dans les bars.
Outre Donald Pleasance, qui joue un docteur complètement fou, le héros, John Grant, est incarné par Gary Bond (sosie du jeune Peter O'Toole), un acteur anglais qui ne jouera que dans deux films (dont celui-ci) mais qui aura fait carrière à la télévision ainsi qu'au théâtre. Le choix d'avoir pris un acteur inconnu est très judicieux, car il nous apparait comme une surface vierge qui découvre ce monde qu'il ne soupçonnait pas, le tout sous nos yeux.
Le reste des acteurs est inconnu.
Wake in fright est assez particulier, et qui m'a bien secoué par moments, je dois dire, de par sa violence frontale et sa folie qui nous est assénée comme un direct. Mais l'histoire est tellement forte, magnifiée par cette mise en scène de toute beauté que l'aspect culte qu'il a me parait justifié.