The Insider est avant tout un remarquable film de chevalerie mettant en opposition une poignée d'hommes au dessein noble à une meute qui s'apparente ici à la toute puissance des hautes sphères financières. C'est le peuple confronté au système qui le broie.
Mais comme toujours chez Michael Mann, les personnages sont en en constante équilibre entre leur position et leur destin. Ils sont confrontés à des choix qui les déterminent aux yeux de celui qu'il prend en témoin, en l’occurrence le spectateur.
Sur un sujet polémique qui aurait pu tomber dans le caricatural outrancier ou le pathos, il dresse un portrait remarquable d'hommes, le duo Russell Crowe, Al Pacino, qui vont s'opposer au système qui les a fait, quitte à y perdre leur position dominante. Ils vont être deux combattants constamment en proie au doute, entre passion et raison. Ce qui en fait des personnages profondément humain finalement.
Magnifiquement photographié, comme toujours chez Mann, le style pub pour produits de luxe, éclate dans un remarquable maelström de fulgurances visuelles. Sans oublier un rythme toujours soutenu qui sait s'arrêter pour magnifier des instants d'une grande beauté.
L'interprétation n'est pas en reste, avec évidemment un immense Al Pacino, ce qui est un euphémisme tant le jeu de cet acteur d'exception a toujours prévalu sur la direction que les réalisateurs ont voulu lui faire prendre, surtout chez des auteurs plus quelconques. Forcément chez un auteur comme Mann cela coule de source. Russell Crowe n'est pas en reste, dans ce rôle de professeur qui va finir par dénoncer le système qui l'a créé. Son jeu, d'une grande sobriété, et cette espèce de retenue qui lui enlève presque la totalité de ce charisme naturel qu'il possède dans ces autres rôles de durs souvent, en fait un personnage en proie au doute de manière permanente.
Un duo d'acteurs géniaux, un immense réalisateur, sans doute l'un des derniers géants d'Hollywood, de la trempe de ceux qui font prendre une direction au cinéma de demain, il y a souvent un avant et un après Mann, comme il y a eu un avant et un après Scorsese, ou Friedkin, tout ça au service d'un scénario intelligemment distillé, et ne se contentant pas de suivre à la lettre son sujet. Que demander de plus à un film. Justement ce qu'on très souvent tendance à oublier la plupart des réalisateurs d'aujourd'hui : le style au service du script.
The Insider est un film 70's réalisé en 1999, une sorte de cinéma vérité comme on savait en faire dans les années post-guerre du Vietnam, l'ère dite du nouvel Hollywood, un cinéma qui sait parler de vrai sujet sans tomber dans la caricature ou la morale redondante et n'oublie surtout pas d'user de l'essence même de ce qui fait le cinéma, ne pas obligatoirement se positionner et garder une part de doute.Mais c'est aussi un remarquable film sur le rapport à l'espace et la représentation de l'homme dans cet espace.