La toute première image de Jen, chevelure blonde, lunettes de soleil et sucette aux lèvres, revendique une référence appuyée à Lolita (celle de Kubrick trahissant Nabokov) et inscrit le personnage dans une innocence dont l'assurance de façade ne s'attend pas à être bafouée. La jeune femme a confiance en l'homme qui l'invite. L'avenir lui prouvera qu'elle a tort.
Puisqu'il s'agit d'assumer, Coralie Fargeat ne tergiverse pas et filme sous la lumière écrasante du désert son récit de trahison et de vengeance qu'elle aurait pu compléter du sous-titre "la fille et les trois connards". Des scènes initiales au basculement dramatique, le récit met en place le piège vers lequel Jen s'avance avec fatalité. Une fois la confiance trahie, plus rien ne sera comme avant.
Tirant parti du décor qu'elle choisit, une villa contemporaine dont elle ne montre pas l'extérieur (hormis sa piscine de rêve) posée sur un gazon sec soustrait à l'immensité désertique qui l'entoure, la réalisatrice met en scène un huis-clos à ciel ouvert dont la mécanique précise ne souffre d'aucune faiblesse.
Alternant silences et tonitruances, le film ose les outrances avec jubilation, multipliant les effets visuels et sonores, sans perdre le fil, reprenant sa respiration au bon moment, avec pour seul objectif de garder le cap. Si le postulat de départ semble presque irréel, le déroulé improbable qui lui succède fait volontairement dérailler toute vraisemblance, assumant là encore le gore outrancier, l'humour absurde et la rage de son héroïne.
En dépeignant des connards profondément humains, Coralie Fargeat explore l'ignominie avec une délectation qui teinte son film d'une ironie salvatrice. Fun et enlevé, mal élevé et grotesque, porté par une BO carpentérienne et explosant dans un final jouissif (au clin d'œil sexiste inversé), Revenge se déguste sans retenue.