Le documentaire de Pacino sur la préparation de sa propre version de Richard III m'avait mis l'eau à la bouche, alors je me suis ruée sur cette superbe mise en scène dans laquelle Ian McKellen, acteur aux yeux d'enfant tour à tour espiègle ou maléfique, nous fait un show d'anthologie. Déjà, le parti pris de moderniser la pièce de Shakespeare en la transposant dans une Angleterre fascisante pleine de berlines, de chars et d'uniformes nazifiants s'avère payant, puisque ça ouvre une dimension romanesque qui sert parfaitement l'intrigue et trouve de drôles d'échos dans notre Europe dite moderne. Ensuite, la distribution est sidérante, et personne ne fait figure de vilain petit canard dans cette troupe idéale. Mention spéciale à Maggie Smith, qui, en une tirade définitive, agonit son minable de fils en haut d'un escalier avant de le désavouer tout à fait et de passer à l'ennemi. Enfin, il y a le texte, dans une traduction excellente, qui déploie ses sombres trésors à mesure que l'intrigue progresse vers la damnation finale de ce roué de Richard, à l'âme aussi torturée que son corps était contrefait. "Nulle pitié n'entrera dans ce cœur".