Ridicule présente bien un 'pitch' : un nobliau monte à Versailles afin de plaider la cause de sa région, en proie aux moustiques qui infestent les marais.
Ce 'pitch' est toutefois très mal développé et s'accompagne d'un discours empesé ainsi que d'historiettes par définition peu approfondies.
L'un et les autres vont certes dans le sens de l'intrigue principale, mais sans jamais être mis en valeur.
On a la douloureuse impression que Patrice Leconte avait un cahier des charges dix-huitièmiste à incorporer à une litanie progressiste : des cases à cocher / des thèmes à aborder et à greffer coûte que coûte sur un propos « bienveillant » (l'horrible adjectif ne rinçait pas encore les tronches) ; sans souci de l'intrication et de l'homogénéité.
Chouettes costumes ? … Check !
Chouettes décors ? … Check !
Chouettes paysages ? … Check !
Contraste riches/pauvres ? … Check !
Noblesse sympathique ? … Check !
Noblesse débecquetante ? … Check !
Noblesse sans le sou ? … Check !
Tartufferies & Cie ? … Check !
Gentil curé ? … Check !
Curaille pourrie ? … Check !
Libertinage ? … Check !
Bite subversive ? … Check !
Nibards pigeonnants ? … Check ! [Merci Judith]
Triangle amoureux façon Liaisons dangereuses ? … Check !
Salonnards précieux ? … Check !
Duel au pistolet façon Barry Lyndon ? … Check !
Roi et reine concons ? … Check !
Viva la Révoloussionne ! ? … Chèques !
(...)
Etc., etc., etc.
Patchwork certes élégant, jolie mosaïque, mais sans épaisseur, sans clarté (alors que l'on sent une volonté de bien dire et de bien faire).
Les situations sont toujours agréables mais manquent donc d'intensité --- sans parler du liant entre elles.
-- la relation entre Ponceludon et Mathilde est fade
-- celle entre le même et Madame de Blayac l'est tout autant
-- les « recherches » de Mathilde sont tout au plus anecdotiques
-- la cause des sourds-muets est mal défendue [scène très forte dans le carrosse, cela dit]
-- le personnage de Vilecourt [!] est décoratif [et son erreur devant le roi, invraisemblable)
-- celui du père de Mathilde (Jean Rochefort) difficilement lisible [plus par manque de travail que par volonté d'ambiguïté, je pense]
-- les courtisans sont caricaturaux : qu'il y eut de fieffés salauds, on le conçoit ; de là à nous les présenter comme étant tous de méchants débiles...
-- la chute (double acception) de Ponceludon est bébête
(...)
-- la fin est abrupte, bâclée
Ridicule : succession de très belles scénettes, de sketchs (excellents pour la plupart, donc), mais... ça n'en fait pas un film.
Tout fait envie, mais l'ensemble n'étant abouti, il reste sur la fin un goût de trop (peu) : frustration terrible*.
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Frustration d'autant plus grande que ceux qui comme moi ont adoré Le Mari de la coiffeuse (du même Leconte) retrouvent ici quatre acteurs du petit casting de 1990 : Maurice Chevit, Albert Delpy, Jacques Mathou et Jean Rochefort.