Like a Rolling Stone

Rien à foutre est un film qui possède deux visages. Le premier, attendu, d'une jeune employée de compagnie aérienne, entièrement occupée par son travail et qui semble disparaître derrière son uniforme. Laissant de côté toute vie sociale, avec comme seules brèches dans son rythme de travail acidulé des soirées alcoolisées et des plans Tinder. Bien qu'Adèle occupe tout le cadre, qu'on soit à ses côtés en permanence, on en sait finalement très peu sur elle, durant toute cette première partie. Comme le lui rappelle sa supérieure lors d'une entrevue : en faisant ce métier, il faut que tu oublies tout : ta vie, tes problèmes, tes hier et tes demain. En gros : souris et tais-toi.

Mais néanmoins, apparaît en filigrane, l'histoire d'une fille marquée par un évènement fort. Et si cela nous est d'abord distillé avec parcimonie, lors d'une confession sous l'emprise de l'alcool, cet événement, qui plane sur le personnage, prendra de plus en plus d'ampleur jusqu'à ce que le film change complètement de registre et dévoile son deuxième visage et ainsi son véritable sujet.

Sans en dire plus, je trouve cette composition en deux parties réussie, puisqu'après avoir gardé une certaine distance avec le personnage, on entre enfin dans son intimité et cette incursion fonctionne d'autant plus qu'elle nous a longtemps été cachée, détournée, retardée. Il faut aussi dire que le jeu d'Adèle Exarchopoulos y est pour beaucoup, tant elle arrive à communiquer des émotions très fortes de manière toute simple, que ce soit en un regard, un sourire, ou un mouvement de tête. Difficile de ne pas être ému par cette histoire et ce personnage, que la caméra embarquée nous rend d'autant plus prégnants.

On pourrait dire que le film s'étire un peu, qu'il tourne parfois en rond et se répète, dans la première comme danla deuxième partie, mais j'ai pour ma part adhéré au parti pris, et à sa manière d'être mis en œuvre. C'est donc contre toute attente une belle surprise et un film qui, je le pense, même avec l'histoire en tête, vaudra le coup d'être revu et aussi d'être partagé.