Ayant fait ses armes dans des documentaires dont Voyage en barbarie ayant obtenu le Prix Albert Londres en 2015, il s’agit de la première réalisation de Delphine Deloget sur un sujet social méritant d’être mis en lumière et tourné dans sa région natale : La Bretagne. Sans tomber dans le pathos et le misérabilisme, on se rapproche du style du film ayant fait sensation en début d’année et que j'ai beaucoup aimé : Je verrai toujours vos visages. Son écho est très présent, ici, dans une scène de groupe ayant une certaine importance dans le choix du personnage principal pour trouver une solution à sa situation.
Devenue une actrice incontournable et à suivre du cinéma français, Virginie Efira se métamorphose en une mère de famille devant composer avec ses forces et ses failles, broyée dans un système institutionnel français à cause d’un évènement familial. Sa présence est un vrai atout au film montrant la combativité d’une femme pour sauver ses enfants, malgré les déboires rencontrés. C’est la quatrième fois consécutive qu’une réalisatrice la dirige sans pour antant qu’elle se répète, en moins de 2 ans. C’est une belle performance ! Le jeu très naturel d’Efira sied à merveille au film lui conférant une authenticité rare.
Arie Worthalter est méconnaissable avec un personnage perdu faisant tout de travers, très loin de son incarnation flamboyante dans Le Procès Goldman sorti depuis peu. Cet acteur mériterait davantage d’attention de la part du public car il sait habiter ses personnages secondaires ou principaux comme peu d’acteurs.
Les principaux enjeux du film tournant autour des enfants. Il était important que les acteurs soient à la hauteur du sujet. Et ce fut le cas pour les raisons suivantes :
Félix Lefebvre s’est également investi dans son rôle, en prenant du poids, pour que le spectateur ressente concrètement la souffrance psychologique du frère ainé essayant d’aider sa mère du mieux possible. Heureusement, son attrait pour la nourriture n’est pas aussi destructeur et extrême que dans the Whale. En effet, elle lui permet de se faire plaisir et d’avoir des moments de partages avec sa famille. Mais la révélation vient du plus jeune acteur, Alexis Tonetti, ayant la tâche peu aisée d’interpréter, avec une certaine justesse malgré son âge, l’enfant par lequel l’équilibre familial va être brisé.
La réalisatrice maîtrise son sujet en montrant le fonctionnement faillible des services sociaux et de la justice qui, parfois, au nom de la sécurité et de la protection de l’enfance provoque l’inverse du but visé par leur mission première. En effet, le personnel de ces différents services est également prisonnier d’un système règlementaire rigide pouvant l’affecter, en tant qu’individu. Cette évidence est flagrante à travers le personnage d’India Hair facilement détestable au premier abord. Malgré son sujet principal, l’humour est présent, par petite touche, pour montrer l’absurdité des situations que vivent les personnages. Cela permet au public d’avoir des espaces de décompression et de prendre du recul sur ce que l’on voit concernant le combat de cette famille monoparentale.
Conclusion :
Rien à perdre est un film suscitant des réflexions sur l’assistance sociale, la justice envers les enfants, mais aussi sur les choix que la société impose envers les individus pour qu’ils soient conformes à ce que l’on attend d’eux : des individus ne faisant pas de vagues pour conserver une certaine paix sociale. Il permet aussi d’apprécier une autre facette des acteurs évoqués.
Cette première réalisation est réussie mais elle aura la lourde tâche de sortir le même jour que Napoléon de Ridley Scott afin d’exister aux yeux du public. Ici, l’expression « Rien à perdre » n’aura jamais pris autant de sens pour le film que pour son succès en salle.