Ce passage du documentaire à la fiction pour la réalisatrice Delphine Deloget n'a visiblement pas plus fait jaser Cannes que ça, mais de mon côté j'ai été très touché par ce film.
Comme Virginie Efira était de la partie, je m'attendais à un truc entre Les enfants des autres et Pris de court dans sa filmographie. Ce sont les films qui me viennent en tête lorsque je pense à cette actrice-là qui incarne une "maman" (je mets des guillemets car pour Les enfants des autres ce n'est pas tout à fait ça). Seulement, comme elle fait des choix de carrière très pertinents, on se retrouve avec un film assez différent, un autre point de vue sur un sujet peu traité.
L'aide sociale à l'enfance a probablement sauvé bien des vies et continuera à le faire. La réalisatrice a choisi de s'intéresser à un cas où la vie d'une famille bascule à cause d'elle vers une spirale sans fin. C'est évidemment le point de vue de la mère sur la situation qui passionne Deloget, mais elle a la clairvoyance de nous rappeler que d'un point de vue extérieur, peut-être que ce gamin qui s'appelle Sofiane est réellement en danger chez sa mère. C'est ça qui est intéressant : il n'y a pas d’ambiguïté, on sait comment ça se passe dans la famille puisqu'on le voit, mais on comprend les doutes de l'organisme chargé de protéger le gosse.
Avoir une direction d'acteurs aussi impeccable quand on vient du documentaire, c'est très fort. Ils sont tous excellents et j'arrive à croire même aux seconds rôles car ceux-ci sont très bien écrits et interprétés. Que ce soit Arieh Worthalter en marginal, India Hair qui arrive à être détestable mais dont on comprend les motivations sans problème ou encore Mathieu Demy qui est totalement bouffé par son travail, on a une galerie de portraits de gens qui sont un peu comme tout le monde. Ils ont des personnalités bien définies mais on ne tombe pas dans la caricature pour autant et leurs failles ont quelque chose de palpable assez agréable à voir à l'écran. Pour être honnête c'est surtout Félix Lefebvre qui m'a bluffé. En dehors de sa transformation physique pour le rôle, je crois bien que je ne l'avais jamais vu aussi juste qu'ici.
Si la mise en scène est souvent sobre, elle est magnifiée par quelques instants inattendus où la caméra va littéralement suivre les personnages. Je pense en particulier au personnage de Sylvie qui entre dans un gymnase. On sent à la fois les restes d'une réalisatrice de documentaire avec un tel plan, mais aussi une envie de mettre en avant le vide du lieu face à la protagoniste qui va occuper un bon tiers du cadre.
Le film n'est hélas pas parfait malgré toutes ces belles qualités parce que dans la dernière partie du film, on développe un genre de sous-intrigue autour du fils ainé mais c'est plus une ficelle scénaristique qu'autre chose. Il y a un moment assez beau vers la fin du film qui sert de payoff après tout un setup centré sur le personnage de JJ. Et comme j'ai beaucoup aimé ce personnage, ça m'aurait bien plu qu'il ait une fin plus belle que ce que la réalisatrice lui a offert.
Je n'ai à ce jour pas vu énormément de films français sortis cette année, ou en tout cas pas autant que je l'aurais voulu. Mais celui-ci est très émouvant et aura été l'une des bonnes surprises de l'année pour moi.