Si vous découvrez Rio Conchos - pour moi un des meilleurs westerns jamais réalisés - vous pensez que Gordon Douglas est un réalisateur hors pair et vous voulez voir ses autres films. En piochant dans sa filmographie nombreuse depuis 1939, vous êtes déçu. Il laisse trop souvent dominer, sur ses grandes qualités de conteur (un désir, un savoir faire et une éthique de la transmission), un coefficient de paresse et d’opportunisme vis -à-vis de commandes (certes des défauts communs à beaucoup). Les résultats sont donc hétérogènes et pour certains films, très décevants si on les compare à ce superbe Rio Conchos. Ni dans ses autres westerns, assez nombreux à partir de 1949 (avant cette année-là, il a déjà un long passé de réalisateur) ni dans ses films d’autres genres, on ne retrouve de chef d’oeuvre. (Voir la critique de son premier western, The Doolins of Oklahoma, Face au châtiment de 1949). Si on se tourne vers les polars tournés à la même époque que Rio Conchos, ils peuvent être soit bons, comme Sylvia (L’Enquête), 1965, ou The Détective, 1968, soit moyens, comme Tony Rome, 1967, ou même médiocres comme Lady in Cement, La femme en ciment,1968, ces trois derniers étant des véhicules pour Frank Sinatra, des supports de plus en plus serviles pour le culte de la personnalité du chanteur.
La réussite de Rio Conchos est sans doute due à une synergie dans l’équipe. Le roman d’origine est de Clair Huffaker - un bon auteur de livres westerns - qui en fait aussi le screenplay. Le directeur photo est le grand Joe Mac Donald et le musical score magnifique est de Jerry Goldsmith. On apprécie tous les acteurs. Sont bons comme d’habitude Stuart Whitman (ici jouant un capitaine yankee humilié parce qu’il s’est fait subtiliser un lot de fusils par des apaches, et devenu obsédé par leur récupération) et Jim Brown (jouant l'officier en second pour son premier rôle au cinema après une carrière dans le football américain). Mais sont à leur meilleur Richard Boone (en ex-officier sudiste devenu un impitoyable chasseur d’indiens après le massacre de sa famille) et Tony Franciosa (en coupe-jarret amoral et coureur de filles), tandis que Edmond O'Brien, devenu un peu âgé, fait une composition savoureuse de général sudiste devenu mégalomane après la fin de la guerre de sécession.Tout le monde est mobilisé pout faire aboutir un excellent projet et c’est peut être cela qui porte le réalisateur vers cette harmonie dans la qualité : elle est à la fois celle du scénario, de la mise en scène, du rythme, de la narration, des émotions, des retournements, avec un mariage réussi du classicisme et de l’insolite. Ce film nous rappelle que, au cinéma comme ailleurs, un bon travail d’équipe peut avoir un résultat magique.