"Gladiator, prince des voleurs?". C'est à cela qu'on a pensé en voyant le look de Russell Crowe dans le film, évidemment. Et le fait que cela soit sa cinquième collaboration entre Ridley Scott n'a fait qu'augmenter les doutes concernant cette resucée. Grosse erreur, le cinéaste n'étant pas de ceux qui se lancent à l'aventure sans armes.
À l'inverse de la version sortie en 1991 avec Kevin Costner, ce Robin des Bois nouveau millésime évite l'écueil de l'héroïsme pompeux, pour revenir aux sources de la légende. Une origin story parfaitement dans l'air du temps, qui fait une clé de bras aux idées reçues (Robin le fougueux, Robin le jeune loup) pour l'inscrire dans un cadre bien plus concret. On peut dire merci au script de Brian Helgeland, suffisamment dense pour poser les bases d'une fresque plausible, notamment dans son traitement quant à la royauté.
Russell Crowe ne singe pas son Maximus et fait de Robin Longstride une écorce mûre et solide. Trop vieux pour ce rôle (45 ans au moment du tournage)? Sûrement pas quand on voit avec quelle aisance son charisme emporte le film. Mais la surprise du film s'appelle Cate Blanchett, dont la Marianne est probablement la plus belle version proposée au cinéma (forte, subtile et comique). Mark Strong se délecte à jouer les raclures (encore) et comme d'habitude, l'acteur anglais met dans le mille.
La réalisation de Scott est une fois de plus remarquable. Nous nous situons dans une approche plus politique, moins énergique (d'où un rythme parfois étrange). Ne vous attendez pas à retrouver la ferveur qui caractérisait Gladiator, le long-métrage n'est pas là pour ça. Bien sûr, Robin des Bois offre son quota de batailles (majestueuses), mais l'essentiel se trouve ailleurs, dans la déconstruction du mythe pour lui redonner un visage humain.
C'est d'ailleurs dans l'une de ses perspectives que l'œuvre cale, concernant le passif du héros qui tombe comme un cheveu sur la soupe, bien qu'elle participe à la prise de conscience de Robin. Constituer un puzzle à partir de beaucoup de pièces importantes, c'est prendre le risque de l'assembler trop vite pour que chacune puisse avoir du poids. Ce qui arrive de temps à autre, le film manque un chouïa de force romanesque dans certains moments pourtant clés. Rien qui n'entache durablement les personnages ou l'intrigue (passionnante), qui traçaient des fondements plutôt riches. Hélas, le semi-échec du film à tué dans l'œuf toute possibilité de suite. Cruel, puisque le dépoussiérage de l'icône était fait. Et bien fait.