Sur CloneWeb, on n’aime pas vraiment les remakes. Les exemples récents, qu’ils reprennent un « vieux » film culte comme Total Recall ou qu’ils américanisent des films venus d’ailleurs (Old Boy) sont là pour démontrer qu’il vaut mieux préférer l’original. Mais sur CloneWeb, nous aimons aussi être contredits, nous apprécions que nos gouts sont remis en question. RoboCop de Jose Padilha fait partie de ses films là.
Loin d’être un chef d’œuvre comparable au film de Paul Verhoeven, cette nouvelle version du flic robotisé de Detroit est truffée de bonnes idées.
RoboCop reprend la trame globale de son ainé : un flic blessé, transformé en robot humanoïde pour être maintenu en vie devient un flic de choc. La comparaison pourrait presque s’arrêter là tant le film fait un choix payant : celui de s’éloigner de l’original pour créer son propre univers et raconter sa propre histoire.
Le film s’ouvre sur Samuel L. Jackson en animateur de télévision. Sur un plateau high-tech il explique le bien fondé de l’utilisation des robots, dont l’armée américaine se sert au Moyen Orient. Le reportage montre des ED209 contrôlant la population de ce qui pourrait être l’Afghanistan. Propagande militaire américaine oblige, les images s’arrêteront lorsqu’un des robots prendra pour cible un petit garçon. Très caricaturaux et à prendre avec le second degré voulu, l’émission n’est pas sans rappeler les flash de Starship Troopers.
L’émission télé permet de remettre les choses dans le contexte et nous présenter l’univers du film mais démontre aussi que, dès l’introduction, le film n’est pas la bêtise qu’on s’attendait à visionner. L’univers, lui, n’est pas celui d’un Detroit rongé par le crime et géré par une police privée. Nous sommes dans un futur proche, post-11 septembre, ultra-connecté mais dont les avancées technologiques semblent réalistes. On peut donc facilement s’identifier à la population, qui n’est autre que nous-même dans quelques années.
Alex Murphy, lui, n’a pas de partenaire féminine mais un homme avec qui il a entamé une enquête sur un trafic d’armes. Il a également une famille, une femme et un fils qui auront une place importante dans l’histoire. Et il sera gravement blessé, brulé par l’explosion de sa voiture. Transformé en RoboCop, il se réveille dans un laboratoire en Chine (oui, RoboCop est littéralement « made in China »), il découvre son nouveau corps, ses possibilités, mais contrairement à Peter Weller dans le film de Verhoeven a conservé sa mémoire, ses souvenirs et ses sensations. Exit l’idée du héros lobotomisé qui va se rappeler par flash qui il était avant la transformation. Joel Kinnaman incarne (très bien) une version moderne, qui va revivre son accident.
Grâce à sa relation avec le scientifique incarné par Gary Oldman qui l’a conçu, RoboCop va prendre le temps de découvrir ce qu’il est devenu. Et le spectateur se retrouve face à une longue origin story, très longue intro avant le passage à l’action, dans lequel il est invité à réfléchir sur la place du robot dans une société moderne. Murphy est conçu comme un produit contemporain, complétement pensé par des équipes marketing qui réfléchissent derrière des bureaux comme ils le feraient pour un smartphone, n’hésitant pas à vouloir jongler sur ses sentiments, son âme et ses pensées comme s’il suffisait de tourner des boutons. Evidemment, les réactions du héros et son comportement vis à vis de ses « réglages » sont là pour dénoncer aussi cette société où tout est marketé au dépend de l’humain et de la famille.
Le film n’est pas sans défauts évidemment. Il manque clairement d’envergure, le final est loin d’être extraordinaire et quelques facilités scénaristiques ponctuent le récit. Mais il s’en dégage une ambiance intéressante qui nous permet de passer outre. On reprochera quand même le design noir de l’armure assez laid, voulant s’éloigner de l’original et le faisant mal.
Jose Padilha livre des scènes de bonne facture et multiplie les idées de mises en scène dont celle d’une fusillade pratiquement filmée dans le noir ou un incroyable et très osé passage où Murphy découvre ce qui reste de son corps. Le réalisateur, au début du tournage, s’était plaint de sa relation avec le studio, déclarant que son travail était comparable « à l’enfer » et que sur « dix idées proposées, neuf partent à la poubelle ». Il semble néanmoins avoir tenu le choc jusqu’au bout et on ne peut que s’interroger sur ce qu’aurait donné le film s’il avait eu les coudées franches.
Fallait-il un remake à RoboCop de Paul Verhoeven ? Certainement pas. Mais tant qu’à en faire un quand même, autant le faire bien, ce à quoi Padilha est parvenu. Cette version ne restera pas dans les mémoires mais elle permet de passer un bon moment de cinéma.