En ce temps-là j'avais 15 ans ! Michael Bay n'avait eu que Bad Boys pour me séduire avec sa mécanique de surface rutilante dont les engrenages ont perdu de leur fluidité au fil du temps. Une production Jerry Bruckheimer/Don Simpson était un gage de « on va devenir des hommes ». Dans la chaleur d'un été à l’orée de ma vie d'adulte, j'entraînais mon voisin de deux ans mon aîné et une amie de mon âge vers ce film d'action que j'attendais aussi explosif que le graphisme de son titre. Le visionnage de Bad Boys représentait le seul critère de choix. A l'affiche : Sean Connery, l'espion que je ne connaissais pas. Nicolas Cage, un jeune promis à aucun avenir. Et Ed Harris ? Peut-être l'inventeur du pain de mie ?!
Elle n’a pas aimé. Lui a trouvé ça pas mal. Moi, pas.
Dès les premières minutes, j'étais enveloppé et grisé par les notes de musique d'Harry Gregson Williams et Hans Zimmer. J’ai toujours le disque de la B.O et le thème principal ne m’a jamais quitté. Faire la vaisselle, courir 10km, tondre la pelouse, me réveiller à 3 heures du matin pour le biberon de ma fille. Cette bande originale suffit à transformer le moindre effort en véritable dépassement de soi. Je suis un héros et le nettoyage de cette pile d'assiettes est mon devoir malgré la présence malveillante de tous ces couteaux à viande prêts à m’amputer d'un doigt ou deux. Je n’abandonnerais pas. Je suis trop cool et trop fort pour être vrai. Pardon, je m'égare.
L'introduction est belle et met en lumière un homme, que dis-je, un général, LE général, la bête de guerre humaniste, au pied du mur, prête à commettre l'irréparable pour une cause qui lui semble juste. Pour la première fois, je découvrais un blockbuster qui me permettait de développer de l'empathie pour son méchant. Le rythme est immédiat. La mise en scène énergique et la présentation des personnages va prendre son temps sans pour autant m'accabler. Nicolas Cage est un brin siphonné dans ses mimiques et Sean Connery garde cette classe naturelle qui lui est propre dans le prolongement de ses rôles aux services secrets de sa majesté, clin d'oeil assumé. Les deux acteurs étoffent leur personnage pourtant ultra-conventionnels de petits détails facials, se donnant la réplique à coup de dialogues drôles et percutants. Ils ajoutent une réelle composante de buddy moovie dans un film qui lorgne plus vers le film d'action que vers l'intrigue policière pourtant habituée au genre. Et je profite de l'occasion pour féliciter les doubleurs français qui pour une fois ne viennent pas saborder l'état d'esprit général.
Après, Rock n’est que courses-poursuites et explosions comme bien d’autres films d’actions mais son honnêteté, son rythme effréné appuyé par la dramaturgie d’un récit aux ficelles évidentes ne l’altère en rien. Le temps faisant son office, chaque visionnage vient renforcer le sentiment d’attachement développé au fil du temps. Mason et Goodspeed sont devenus de vieux copains dont le brin de folie n’a d’égale que leur sympathie, faisant de ce Michael Bay à son meilleur, le film le plus vus de ma cinémathèque. Oui, je l’avoue car sa sincérité à vouloir me divertir sans entraves étouffe sans mal les petits défauts et la cohérence de l’œuvre.
Les notes de musiques résonnent. L’action est omniprésente. La tension grimpe. L’enjeu est énorme. Un frisson vient redresser les poils en bataille de mes avants-bras lorsque tous ces bonhommes bourrés de testostérones se mettent sur la gueule pour des convictions qui les opposent. Les drames me touchent. Je n’ai jamais vu la guerre. Je n’ai jamais vu de soldats mais bon dieu que ces mecs-là sont cools. Je suis un jeune de 15 ans pendant 2h15. Je jubile. Je ne réfléchis pas. J’anticipe les répliques. Ma femme me regarde comme si j’étais un imbécile. Elle ne comprend pas. Elle ne mettrait pas plus de 5 à ce film que j’encense. Elle a sûrement raison. Elle est objective. Moi, pas.