Avant d’être l’enfant chéri de l’Amérique, Rocky était un p’tit rital qui avait les crocs. Un boxeur pas top qui avançait grâce à sa capacité à encaisser les coups. Insubmersible, il frayait son chemin à coups de crochets du gauche et de paupières ouvertes au scalpel entre deux rounds. Mais tout ça, il l’a oublié.

Aujourd’hui, Rocky Balboa est le champion du monde. Trop confortable dans son petit rêve américain, il ne sait plus comment combattre.

Dans le ghetto, il y a un mec qui en veut, qui a faim, qui a ce que Balboa a perdu : l’ambition. Repéré par Stallone, Mister T incarne Clubber Lang et irradie le film de son charisme, écrasant Rocky de punchlines assassines lors de chacune de ses apparitions. L’étalon Italien et son entraîneur/papa vont devoir renfiler les gants pour laver leur honneur.

Le montage alterné entre les deux entraînements veut tout dire. Clubber Lang a tout ce que Rocky n’a plus. Pendant qu’il fait des tractions dans la poussière et la crasse d’un entrepôt désaffecté, Rocky fait de la corde à sauter entouré de journalistes et de groupies. Le plus riche est aussi le plus démuni, il a goûte au bonheur tant convoité et s’est vautré dedans. Son opposant n’a rien, il a donc tout pour réussir.

Malédiction des sportifs comme des artistes. L’embourgeoisement, but autant ultime qu’inavoué, aspire la force du combattant. Rocky en fera les frais lors d’un combat à sens unique où il s’effondrera comme un sac de viande en seulement deux rounds.

Anéanti par sa défaite et par la mort de son mentor Mickey, Rocky est pris en main par Apollo Creed. Son ancien némésis devient son entraîneur. Et ça, c’est cool. Pour reconquérir sa place, l’ex-champion du monde doit devenir rapide, réapprendre à se battre. Surtout, retrouver ce qu’il a perdu, cette peur de l’échec transformée en rage. Le désir, l’œil du tigre.

Rocky va vivre l’entrainement le plus éprouvant de sa carrière. Face à l’échec et à l’humiliation, face au constat de son déclin autant moral que physique, il va faire ce qu’il a toujours fait, mettre un gros coup de talon au fond du gouffre et revenir. C’est là qu’il est le plus fort, quand il redevient le mec sur qui personne ne miserait un dollar. Condamné à être toujours le moins forts, le moins rapide, mais aussi celui qui encaisse le mieux. Rocky retrouve sa place d’éternel outsider, d’ultime challenger.

Les films étant quasiment tous construits sur le même schéma, les scènes d’entraînement sont un passage obligé et grisant, parfois plus que le combat lui-même. Rocky III ne déroge pas à la règle et cette séquence est sans doute la plus forte de la saga, voire du genre. Emmené par l’éternel « Gonna Fly Now », on a la soudaine envie de se lever, de courir et de gueuler quand Rocky dépasse enfin Apollo Creed. Quand, bondissants dans les vagues, ils se font leur super câlin testostéroné en mode Miami Vice gay, on envie de prendre son meilleur pote dans les bras et de lui dire qu’on l’aime. Ça y est, l’étalon Italien est dans la place, et il chie des éclairs.

Le combat final est aussi beau et bien chorégraphié qu’irréaliste. On s’en fout, éprouvés par tout ce que le héros a vécu, on souffre avec lui, on se surprend à gueuler des conseils à notre télé, à mimer des esquives et des uppercuts avant de s’effondrer enfin et de laisser exploser notre joie en hurlant « Adriaaan !!! ».

Certains ont voulu voir un message politique dans la saga de Stallone. C’est se fourvoyer que regarder Rocky III avec ce prisme. Avant d’être un éloge du rêve américain, le film est un éloge de l’Homme et de sa capacité à se relever lorsqu’il n’a plus rien. Le message est juste et professé simplement. Quand on ne désire plus, on meurt.
cruzsandal
8
Écrit par

Créée

le 8 févr. 2014

Critique lue 397 fois

cruzsandal

Écrit par

Critique lue 397 fois

D'autres avis sur Rocky III - L'Œil du tigre

Rocky III - L'Œil du tigre
Torpenn
5

T party

Incroyable, je remonte la note d’un Rocky en le revoyant… Au-début, j’étais même presque plus gaillard que ça tellement je trouve les scènes de courses sur la plage avec la musique 80’s absolument...

le 15 mai 2013

44 j'aime

7

Rocky III - L'Œil du tigre
Gand-Alf
6

Running on the beach.

La saga Rocky a cela de passionnant qu'elle peut-être vue comme un miroir à peine déformé de la carrière de son auteur, Sylvester Stallone. A l'instar du personnage qu'il a créé, l'acteur /...

le 8 juin 2015

29 j'aime

2

Rocky III - L'Œil du tigre
Docteur_Jivago
6

Lord of the Rings III - The Return of the King

Toujours emmené par un Sylvester Stallone devant et derrière la caméra, ainsi qu’à l’écriture du scénario, ce troisième opus de la saga « Rocky » voit le statu du boxeur remis en cause par...

le 24 août 2014

24 j'aime

4

Du même critique

RoboCop
cruzsandal
9

Machine qui rêve.

Devant Blade Runner, Edward Neumeier eut l’idée d’un flic robot qui pourchasserait les humains. Un homme de métal qui sort d’une voiture de police et tire sur la foule. A partir de cette image, il...

le 8 févr. 2014

1 j'aime

Breakfast Club
cruzsandal
9

Don't you forget about them.

Parler de Breakfast Club, dire quelque-chose qui n’a pas encore été dit. En parler comme un film, avec distance. C’est un chef d’œuvre. Simple et génial. L’analyser, de manière rationnelle, est un...

le 8 févr. 2014

1 j'aime

Evil Dead
cruzsandal
8

Une bande de potes sympas.

En 1978, Sam Raimi réalise un court-métrage en super huit. Œuvre séminale qui porte en elle les germes de la trilogie Evil Dead, Within the Woods obtient un certain succès et lui permet de financer...

le 8 févr. 2014