Dès le rachat de Lucasfilm, des rumeurs circulent sur Internet comme quoi The Walt Disney Company aurait pour projet de développer des films indépendants de la saga Star Wars intercalés entre la sortie de chaque nouvel Épisode. La confirmation viendra quelques mois après quand Bob Iger officialise la production de futurs spin-off d'abord appelés Star Wars: Anthology puis finalement renommés Star Wars Stories.
Le premier long-métrage à naître de cette décision est Rogue One, revenant sur une question longtemps restée sans réponse (sauf dans l'ancien UE), comment la Rébellion a-t-elle pu voler les plans de l'Étoile Noire à l'insu de l'Empire? C'est le réalisateur Gareth Edwards qui est choisi dès 2014 pour mettre en scène ce film de guerre. Déjà auteur de l'excellent Monsters et de l'inégal mais parfois impressionnant Godzilla, le projet semble être entre de bonnes mains et a l'air de vouloir s'éloigner des canons actuels.
Mais coup de théâtre! Entre Mai et Juin, des informations fuitent sur le Web et révèlent qu'Edwards n'aura pas la Final Cut. Pire encore, le premier montage n'ayant pas plu aux exécutifs de Disney, le film repart en tournage pendant un bon mois et c'est Tony Gilroy (déjà responsable des reshoots du Godzilla d'Edwards) qui est mobilisé par Disney pour retourner quasiment la moitié du spin-off en plus d'avoir le contrôle sur le montage final. Et comme si ça ne suffisait pas, Alexandre Desplats, ne pouvant toujours pas se mettre au travail à cause du décalage de la post-prod, quitte le projet et est remplacé par Michael Giacchino qui n'a plus que 4 semaines et demi pour composer la musique.
Bien sûr, Disney vont tout faire pour rester discrets à ce sujet, ordonnant gentiment à Edwards de fermer sa gueule devant les médias et manipulant Kathleen Kennedy comme un pantin dans l'espoir qu'elle rassure les internautes à base de "Tous les blockbusters ont des reshoots". Mais personne n'est dupe bien entendu. Les trailers auront bon toujours témoigner de l'efficacité de la promotion de Disney, les mauvaises nouvelles se suivent les unes après les autres et la post-production ne se passe pas bien.
Rogue One rejoint donc cette catégorie malheureusement trop présente actuellement de films bâtards qui ne sont finalement que des hybrides regroupant les travaux et les visions de plusieurs personnes différentes, réalisateurs comme producteurs.
On suppose par conséquent si on en croit les sources fiables que 70% de ce qu'on a dans le résultat final contient les fragments des idées d'Edwards.
Idées qui sont excellentes et très bien raccordées au regard de George Lucas sur Un Nouvel Espoir car le réalisateur de Monsters reprend le parallèle dressé avec la bombe atomique avec des séquences nous faisant rappeler son utilisation sur le Japon puisque l'arme de destruction absolue de l'Empire, n'étant pas encore opérationnelle, doit effectuer des essais sur des systèmes ennemis.
Outre le fait d'apporter une vraie cohérence avec l'Épisode IV, Gareth Edwards prouve qu'il est un amoureux de Star Wars ne se contentant pas du fan-service pour faire vivre son film mais en continuant à étendre cet univers à travers des effets miroirs à notre monde réel. Jedha, planète servant de lieu de pèlerinage pour tous les croyants de la Force faisant écho à Jérusalem, et l'arrivée des rebelles sur Scarif, rappelant le débarquement de Normandie vendu très tôt par Edwards, étant les deux meilleurs exemples. Intéressants et intelligents.
Mieux encore, le metteur en scène nous offre enfin la grandeur et le spectaculaire digne de Star Wars que nous n'avions pas eu avec Le Réveil de la Force. Le climax, long de presque 3/4 d'heure, va alterner batailles spatiales (absentes de l'Épisode VII), affrontements aériens et combats sur la terre ferme sans jamais nous lasser. Gareth Edwards, caméra à la main, suit dans un monde désormais plus sale et poussiéreux ses héros en filmant du point de vue humain les armées impériales toujours plus nombreuses et gigantesques.
Ce groupe au casting multiethnique qui va devoir redonner de l'espoir à la Galaxie est composé d'un personnage féminin fort mais fragile (mais dans un registre différent de Rey), Jyn Erso jouée par l'excellente Felicity Jones, Cassian Andor interprété par Diego Luna dont la relation avec Jyn est bien traitée, Baze Malbus et Chirrut Imwe, jouées par les deux stars chinoises Jiang Wen et Donnie Yen au capital-sympathie énorme, le droïde K-2S0 au franc-parler à la fois malsain et drôle interprété en motion-capture par Alan Tudyk et Bodhi Rook joué par Riz Ahmed. Des héros aussi bien froids et ambigus (l'Alliance Rebelle n'est plus toute blanche ici et a des méthodes assez douteuses) que réussis.
À côté de l'excellent boulot d'Edwards se trouve à notre grand désespoir les reshoots très visibles de Tony Gilroy majoritairement centrés sur les scènes de dialogues ponctuées de champ-contre-champ interminables sur lesquelles viennent se rajouter les compositions inévitablement plates et sans saveur de Michael Giacchino.
Ces scènes occupent majoritairement la première demi-heure qui est assez désastreuse. Le découpage est atroce, on sent qu'il manque un paquet de scènes, c'est moche et surtout c'est rushé. Aucune ambiance n'est créée, aucun personnage n'est correctement présenté, le premier tiers fait peur mais tout s'arrête heureusement dès l'arrivée de nos héros sur Jedha.
Alors évidemment, nous avons droit à une longue liste de clins d'oeil pour tous les fans de la saga (le retour de personnages iconiques comme
Bail Organa, Mon Mothma, Peter Cushing réincarné en CGI dans le rôle de Tarkin, certains pilotes de l'Épisode IV et aussi l'exploitation des cristaux Kyber qui n'ont jamais été évoqués dans un film Star Wars jusqu'à présent
) mais contrairement à Abrams qui maniait ça comme un pied, Gareth Edwards sait trouver le juste milieu pour bien les inclure dans le récit (exception faite du caméo de
C-3PO et R2D2 ou encore de l'ivrogne qui cherche des crosses à Luke dans l'Épisode IV
) tout en nous faisant frissonner comme lors des deux apparitions de Dark Vador, le seigneur Sith étant d'une classe incroyable.
Le film se conclue sur une belle mise en abyme involontaire lorsque
Leïa au visage illuminé assure que ces rebelles ont redonné de l'espoir à la Galaxie
. C'est ironiquement la même chose pour moi.
Ces personnages que nous avons suivi pendant plus de 2 heures nous redonnent espoir quant au futur de Star Wars.
Rogue One - A Star Wars Story est le vrai Star Wars que nous méritions. Un film de guerre qui, dès qu'Edwards reprend le contrôle, est très bien conçu, parfaitement réalisé et qui sait comment enrichir la mythologie créée par George Lucas de la bonne manière.
Les spin-off semblaient au départ une mauvaise idée mais Rogue One a su me redonner de la confiance. Il y a toujours un espoir.