Rogue One : A Star Wars Story est plus adulte que ses prédecesseurs. Bien plus sombre pessimiste, tragique, cynique et axée exclusivement sur la guerre et ses enjeux, la saga semble s'éloigner de son simplisme originel.
Le film se situe quelques jours avant l'épisode IV. L'enjeu scénaristique est très limité : les rebelles vont récupérer les plans de l'étoile noire et tous mourir. On le savait déjà, on en est pas surpris. Dès lors, le film se débarasse d'une difficulté. Il doit simplement coller à l'épisode originel, l'amener lentement. La fin du film converge ainsi vers la première scène d'Un Nouvel Espoir. Il est donc dans la continuité, mission première d'un spin-off.
Mais il est aussi une rupture : pas de générique déroulant classique et un début de film in medias res, avec les titres des lieux que l'on visite et qui s'enchainent au début avec confusion. Le début du film, bien que grisant, est assez mal rythmé, trop long, trop confus puis dans sa seconde partie devient absolument époustouflant jusqu'aux scènes finales.
Le film tente ainsi, comme un funambiliste de mêler rupture et continuité. Il ressucite ainsi Peter Cushing qu'il reproduit au grain de peau près par image de synthèse, dans son rôle du grand moff Tarkin. L'impression est étrange. C'est à la fois incroyable et dérangeant. Je ne sais pas si c'est le fait de savoir que cet acteur est mort qui fait que de le voir résussucité à l'écran est étrange mais cela fonctionne, malgré je pense, à terme, un effet qui va mal vieillir. Star Wars a toujours tenté des choses en terme d'effets spéciaux. La saga a encore franchi une nouvelle étape. De même pour la Princesse Leia, moins convaincante mais cantonnée à quelques secondes d'apparition. D'autres apparitions sont agréables : les gredins dont Obi Wan coupe le bras dans l'épisode IV, Mon Mothma, la sénatrice au service de la rébellion, Bail Organa et son acteur de l'épisode III, père de la princesse adoptif Leia, R2D2 et C3PO - il fallait bien - et puis surtout Dark Vador, attendu, que l'on voit dans sa forteresse bâtie sur un océan de lave - ça fait gros méchant, et un peu trop tour de Sauron à mon goût - dans une scène sympathique et impressionnante où il écrase littéralement l'écran et le spectateur par sa présence - belle mise en scène. Mais c'est surtout au cours d'une seconde scène finale où la méchanceté du personnage éclate, empalant de son sabre les pauvres rebelles rescapés, une scène terrible mais jouissive où résonne le thème musical le plus célèbre de la saga. Il parviendra jusqu'aux portes de la navette qui transporte les fameux plans de l'étoile noire avant que celle-ci ne lui file sous le nez, pour quelques heures. On retrouve également les temples de Yavin IV avec plaisir, le style rétro du design de Star Wars et tout un tas d'objets et vaisseaux de la saga originelle.
Au rayon des nouveautés, Krillic, un rival de Tarkin, drappé dans une cape grise, ami du constructeur de l'étoile noire, un certain Irso (Mad Milkelsen, le style, toujours), tiraillé entre son devoir de soldat au service de l'empire et l'envie de partir. Il créera une faille dans l'Etoile Noire et la transmettra à sa fille, Jin, héroine du film qui va se charger de le venger. Les autres personnages du film sont anecdotiques mais sympathiques : un ancien droide assassin de l'empire aux blagues assassinnes, un moine sensible à la force - qu'il met au rang de divinité, intéressant -, des gros bras, un capitaine Andor beau gosse mais ambigu. Car c'est la force du film. La rébellion n'est pas toute blanche. Elle est composée de mercenaires, d'assassins, elle commet des actes terribles. Ainsi, une des premières scènes d'action montre une attaque d'un convoi impérial par des rebelles extrémistes, encapuchonnés sous des turbans, grenades à la main, dans des rues tortueuses qui rappellent Jérusalem. La ressemblance avec notre actualité est évidemment troublante. Pour l'Empire les rebelles sont des terroristes. La planète Jeda d'ailleurs où se déroule cette scène,
est une franche réussite, désertique et très ancienne, avec sa vieille ville presque médina et ses habitations troglodytes à la Pétra. Les autres planètes sont également intéressantes : le QG des archives de l'empire sur cette plage de palmiers paradisiaques et j'en passe. L'Empire lui aussi est divisé : entre rivalités, intérêts et apparait plus que jamais comme une machine d'une immense puissance - et c'est ça qu'on aime.
Le gros point fort du film c'est sa seconde partie avec un final jubilatoire, de bout en bout. Le réalisateur, Gareth Edward parvient à faire des plans vertigineux où l'on mesure la puissance de l'empire et la petitesse de la rébellion, un peu comme il l'avait réussi dans son Godzilla. Il crée une action centrée autour de plusieurs personnages, qui y ont chacun un rôle. Ce n'est jamais confus, c'est limpide. Une immense et prodigieuse bataille suicide de la rebellion se déroule dans l'espace - la meilleure bataille spatiale de la saga, assurément -, où la vingtaine x-wing est écrasée par les centaines de vaisseaux ennemis, une prodigieuse bataille au sol où les héros se font décimer par des centaines de stormtroopers qui sont enfin de vrais soldats et par des AT ST, ces quadripodes blindés quasiment invincibles, tandis que Jin et Andor vont récupérer les plans dans les archives. Peu à peu l'étau se resserre. Les héros meurent un à un. L'immensité de l'empire les broit, tour à tour. Petit pincement de coeur. Les plans sont transmis à la flotte rebelle, alors que la planète où ils se trouvent avec nos héros est rasée par l'Etoile Noire, venue remettre de l'ordre, la flotte est à son tour décimée et seul un petit vaisseau en réchappe. L'épisode IV peut commencer, malgré quelques petites incohérences (pas gênantes).
Le film n'est pas exempt de défauts : début poussif, personnages parfois anecdotiques, enjeux expédiés mais qui ne sont dès lors plus un fardeau. Le film se lâche, explose dans la surenchère de scènes assez splendides et mémorables sur le plan de l'action. Véritable film de guerre (entre les Sept Mercenaires et le film catastrophe américain), il est aussi un vrai film Star Wars, truffé de référence, de la musique (intéressante) aux caméos, en passant par le design général - la direction artistique sort du lot. Star Wars s'enrichit, gagne en complexité, devient adulte et mature. Star Wars renait dans un souffle épique. Là où l'épisode VII est bloqué par les conventions du genre, ce spin off trouve ses propres règles et sa propre voie, la voie de la force, assurément.