J'ai un problème. Ce problème, c'est que ce film est mieux réussi que Le Réveil de la Force, pour une raison simple d'abord : le poids de l'héritage d'une franchise aussi impressionnante que Star Wars ne s'applique pas de la même manière pour un Spin off que pour une suite véritable. Les autres raisons découlent de celle-ci. Mais pourquoi cela me pose-t-il problème ? Parce que ce film regorge de défauts. Là, vous vous dites que je ne suis plus seulement vieux et con, mais complètement sénile. Laissez-moi vous expliquer le dilemme, petits margoulins que vous êtes.
Le choix (audacieux et légitime) de ne pas employer de générique déroulant pour lancer l'intrigue semble mener le film dans une bonne direction... Bien vite torpillée par une exposition dont "Capharnaüm" pourrait être l'entrée dans les chapitres du DVD. En quelques minutes, cinq planètes, des situations anexes différentes, tout est confu et s'emballe, les similitudes avec Le Réveil de la Force laissent à penser que ce ne sera qu'une pâle copie d'un film qui était déjà en demie-teinte. Pour dire les choses simplement : ça part mal, très mal même. Autant l'avouer tout de suite, toute la partie comprenant Forest Whitaker est à oublier, tant l'acteur est en roue libre et cabotine de manière insupportable.
Pourtant, des indices tentent de montrer la puissance et l'attrait de ce film : les références à la franchise principale sont majoritairement parfaitement traitées, petit bémol pour certaines bien trop visibles et inutiles (comme celle à deux certains droïdes, mais elle ne dure que trois secondes, on peut donc passer là-dessus). Le personnage de Mads Mikkelsen est très bien géré et l'interprétation de Felicity Jones est très convainquante, tandis que ceux des inévitables side-kick sont trop transparents (il fait quoi lui déjà ? Il est chasseur ? C'est comment qu'il s'appelle ? Mais c'est un bon ou un mauvais chasseur ?). Pour chaque bonne nouvelle et point gagné, une mauvaise voire deux. Cependant, le doute titille ta réticule : il y a quelque chose de bon, de très bon, mais très difficile de dire quoi. A ce moment-là intervient une scène magistrale, et l'ampleur de la réussite du film te bousille la rétine. Ce film est en réalité une bombe à retardement. L'enjeu crucial de ce spin-off était de faire le lien entre l'épisode IV et l'épisode III ; pour ce faire, impossible de faire l'impasse sur certains personnages emblématiques tels que Dark Vador, et inutile de vous expliquer la délicatesse de la manoeuvre pour faire référence à une icone pareille.
La porte s'ouvre, lumière face caméra, l'ombre de l'homme qui n'en est presque plus un se projette sur son misérable souffifre, le Directeur Orson Krennic, Commandant de l'Etoile Noire. Vador n'est même pas encore dans la même pièce que cette petite frappe grotesque que déjà, il en impose, il s'impose à lui par son ombre même. S'ensuit un jeu d'éclairage, de champ/contre-champ parfaitement maîtrisé pour montrer la totale domination de Vador, si bien que lorsque que Krennic fait l'affront d'affirmer "être aux commandes", l'écrasante puissance de Vador l'invite à ne pas "s'étouffer avec sa charge", écrasant par la même occasion la caméra, réduite au même niveau que cet asticot de Krennic. Vador repart comme il est venu : dans la lumière, la domination et le style. Il ne réapparaîtra qu'à la toute fin, pour une scène tout à fait jouissive et orchestrée de la même manière. Cette apparation de Vador est sans nul doute la scène la plus réussie du film, et de loin.
Malgré un début difficile et chaotique, la suite ne fait qu'aller plus avant en qualité. Un dernier point important : les CGI. Je sais, d'ordinaire, j'ai tendance à cracher facilement (mais souvent à juste titre) contre ces "images de synthèse". Pour une fois, elles sont presque parfaitement réussies : les plans de planètes, les constructions graphiques de villes, de bâtiments sont très bien faits. Mention toute spéciale à feu Peter Cushing, dont le visage entièrement numérique est impressionnant de réalisme (contrairement à celui de Carrie Fisher qui laisse à désirer).
Je n'ai développé que quelques points, le film regorge de petites choses qui méritent un commentaire, à vous de prendre plaisir à regarder ce film et à les trouver. Pour ma part, je n'ai à ce jour plus peur de le dire : oui, après Star Wars, épisode VI : Le Retour du Jedi, il existe bel et bien un très bon film Star Wars, et ça fait plaisir. Si la qualité de celui-ci arrive à contaminer la franchise principale, on est parti pour de très belles années Star Wars.