[Pas énormément de spoilers ici mais bon, je préfère prévenir que guérir.]


Rogue One et moi, ça avait très mal commencé. Déjà, Disney, qui refusait d’englober l’univers étendu, pompait allègrement dans celui-ci pour créer ses personnages. Jan Ors, fidèle compagnonne de Kyle Kartan, devenait donc Jyn Erso pour accomplir la mission de ce dernier. Plus j’en apprenais sur le film et plus je me disais qu’il allait être catastrophique, mais que j’irais quand même le voir avec tout mon pragmatisme parce qu’au fond j’étais tout de même une pigeonne. Ce sentiment ne m’a pas quittée devant la scène liminaire du film qui constituait en une introduction d’intrigue et de personnages assez grossière, frappée du syndrome Taken 3. Je vous jure qu’y trouver un plan qui dure plus de trois secondes relève autant du défi qu’affronter un Rancor à mains nues. Et puis bon, il n’y avait pas de générique d’ouverture et j’aime beaucoup les génériques d’ouverture, moi... C’était rassurant au fond, parce que si le film était réellement mauvais, on n’aurait qu’à l’enterrer et prétendre qu’il n’avait jamais existé, que ça n’avait rien à voir avec Star Wars. Sauf qu’en fait, j’ai encore été rabat-joie. Parce que ce film est bien. Criblé de défauts, certes. Mais bien.


Alors oui, le film est (très) long à démarrer. On sent parfaitement que les réécritures et les reshoots le lestent tant la première heure manque de dynamisme et avance laborieusement vers là où il veut nous emmener. Mais bordel quand il démarre enfin, il ne le fait pas à moitié. Les scènes d’action, sur Scarif tout particulièrement, sont bonnes et les scènes de batailles spatiales sont quand à elles tout simplement excellentes. On voit qu’ILM s’est fait plaisir et le rendu est vraiment ouf. Dommage qu’il faille attendre la dernière demi-heure pour assister à un spectacle pareil.


Rogue One est de loin le film le plus violent de la saga, abandonnant sa tradition manichéenne et la portant dans un territoire jusqu’alors inexploré, tant par ses combats terriens que le sort réservé à ses personnages, qui, même s’il était prévisible, a broyé mon petit cœur.


Sa plus grosse faiblesse est sans aucun doute la sous-exploitation de son potentiel, qui se traduit par des personnages creux, dont on se demande parfois ce qu’ils foutent là. Je pense ici bien sûr à Saw Gerrera qui semble faire office d’objet décoratif et de simple moyen pour relier deux fils du récit. Mais s’il en est l’exemple le plus frappant, il est loin d’être le seul. Cette artificialité du déroulement narratif est malheureusement systématique et entache la capacité d’immersion du film. En vérité, j’ai menti quand j’ai dit que je n’attendais rien de Rogue One. J’en attendais très exactement deux choses : les shadowtroopers et Orson Krennic, qui fait figure d’antagoniste. Les deux m’ont déçue par leur insignifiance respective. Enfin, le film se perd un peu dans son imbroglio de messages politiques jetés pêle-mêle à la gueule du spectateur. Saw Gerrera, leader « extrémiste » en décrépitude se fait le miroir du Che, le conseil de l’Alliance celui de l’ONU et les scènes de batailles celui de la Seconde Guerre Mondiale/Guerre du Vietnam. Faites vos choix.


Malgré tout, il y a un domaine dans lequel Rogue One fait presque un sans faute là où The Force Awakens s’était ramassé avant lui. Il mène habilement les références aux films précédents, que ce soit par pur fan-service ou simplement par soucis de cohérence. Le seul truc qui pèche sévère, c’est ce Grand Moff Tarkin tout numérique… Je comprends le souci de vouloir créer un lien entre ce film et A New Hope mais le rendu (graphique comme éthique) est tout simplement dégueulasse. Autant la démarche reste acceptable pour une demi-seconde d’apparition à l’écran (comme pour le personnage de Leia), autant elle est gênante lorsqu’il s’agit d’un personnage clé du scénario.


Criblés de défauts, oui. Et je comprends que certains puissent descendre Rogue One en flèche. Cependant il a le mérite de prouver aux pseudo-puristes et autres agités du bulbe que non, Disney n’a pas pourri Star Wars. D’ailleurs, s’ils continuent sur leur lancée, la saga a de beaux jours devant elle.

Galokarp
7
Écrit par

Créée

le 17 déc. 2016

Critique lue 434 fois

4 j'aime

Galokarp

Écrit par

Critique lue 434 fois

4

D'autres avis sur Rogue One - A Star Wars Story

Rogue One - A Star Wars Story
guyness
6

Jeux de lumières, parts d'ombres

Il y a quelque chose de presque magique dans la faculté qu'ont les scénaristes (ils s'y sont mis à quatre ici) pour faire d'une simple phrase dans l'épisode IV un scénario qui tient assez bien la...

le 14 déc. 2016

181 j'aime

39

Rogue One - A Star Wars Story
Gand-Alf
8

Sans retour.

Il va falloir se faire une raison, plus aucun Star Wars ne sera fébrilement et longuement attendu comme ce fut autrefois le cas, le fan devant patienter au minimum dix ou quinze ans pour avoir sa...

le 21 déc. 2016

96 j'aime

17

Rogue One - A Star Wars Story
Velvetman
6

Tropa de Elite

Qu’on se le dise, Hollywood avance ses pions avec ses grandes sagas ou ses grosses franchises mais détourne son regard par des chemins de traverse différents. Au lieu de mettre les pleins phares sur...

le 17 déc. 2016

92 j'aime

3

Du même critique

Woman
Galokarp
7

Féminisme bourgeois en quête de sororité universelle

2000 entretiens, 50 pays. Après Human, il s’agit du nouveau défi d’Anastasia Mikova et de Yann Arthus-Bertrand. Des femmes du monde entier se livrent devant la caméra de Woman et y parlent de leur...

le 22 févr. 2020

4 j'aime

1

Rogue One - A Star Wars Story
Galokarp
7

Make ten men feel like a hundred

[Pas énormément de spoilers ici mais bon, je préfère prévenir que guérir.] Rogue One et moi, ça avait très mal commencé. Déjà, Disney, qui refusait d’englober l’univers étendu, pompait allègrement...

le 17 déc. 2016

4 j'aime

Love
Galokarp
2

Une vraie critique sur Love (avec spoilers)

La polémique lors de sa projection à Cannes et la décision du CNC de l’interdire aux moins de seize ans a provoqué un véritable effet Streisand autour de Love, ce qui m’a conduite dans les salles...

le 24 juil. 2015

4 j'aime