Un film intelligent dans sa dénonciation, à la fois de la vindicte populaire, qui est devenue d'autant plus viral avec les réseaux sociaux, et à la fois des médecines alternatives, ici en lien avec des dérives sectaires et spirituelles. Formellement, on se trouve entre un "Vermines" et ses animaux exotiques en pagaille, et un "Goutte d'or" et ses marabouts. Le film se permet même d'avoir des scènes d'action plutôt réussies, avec une chasse à la sorcière haletante, et quelques plans plutôt renversants.
J'aime beaucoup la distribution, avec une Golshifteh Farahani dans un premier rôle engagée, mais aussi un certain Jérémy Ferrari, qu'on ne voit pas beaucoup au cinéma, refusant la plupart des rôles qu'on lui propose, et on peut comprendre pourquoi il a accepté celui-là, étant dans des thématiques similaires à ses spectacles (que je n'ai toujours pas vu, vous n'allez pas me croire). On a aussi de beaux seconds rôles, notamment avec celui de Denis Lavant. Ce que j'aime beaucoup dans les personnages du film, c'est qu'ils sont tous problématiques, on ne peut pas vraiment excuser leur comportement, et chaque parti pris semble être injustifié. Pourtant, on ressent une certaine compassion pour ces personnages, ils sont filmés avec beaucoup d'empathie. Mais il y a bien un personnage, qui semble un peu plus neutre, et tiraillé par chaque parti, c'est le fils, joué par Amine Zariouhi, qui joue vraiment bien, et permet d'avoir un point de vue plus nuancé par rapport aux autres.
Le film reste parfois un peu sensationnel sur certaines scènes, en particulier l'intro où elle cache tous ses animaux dans sa veste, ce qui pourrait entacher la crédibilité du film, mais finalement le tout reste globalement assez plausible. Il arrive parfois qu'il fasse rire, notamment avec du gore (la fameuse scène de l'œil), ou même l'usage du sel La Baleine pour éloigner le diable. On n'oubliera pas le générique de début, qui introduit le sujet par des images d'archives sur les sorcières, du début à nos jours, avec une manière de ponctuer les intertitres par une note aigu et stridente. On peut d'ailleurs féliciter le compositeur Flemming Nordkrog pour la bande originale, qui accompagne très bien la tension du film.
Bref, un beau film, critiquant la violence des réseaux sociaux, et l'hypocrisie de certaines pratiques de soin, tout en étant suffisamment empathique avec ses personnages, montrant leur fragilité et leur humanité. Saïd Belktibia signe ici un premier film maîtrisé, chapeau à lui.
(Vu le 18 mai 2024 au cinéma)