C'est l'histoire d'une pauvre fille un peu hystérique.
Une fille ouvre rageusement une porte, marche à toute allure, une charlotte en papier sur la tête. Elle est à son lieu de travail. Enfin, ex-lieu de travail. Rosetta s'est fait virer. La caméra à l'épaule ne me gêne pas au début, elle me rappellerait presque Lars von Trier si elle n'était pas aussi agitée et si le sujet n'était pas d'un tel réalisme. Car "Rosetta" est bien un drame social comme on l'entend, qui s'apparenterait presque au documentaire si l'on y trouvait pas autant d'effets dramatiques. Le début est assez abominable. D'un ennui à mourir. Rosetta nous emmène dans sa caravane, dans ce coin pouilleux qui lui sert de résidence. On la voit s'occuper de sa mère, une femme au fond du gouffre, comme d'un bébé. Puis les scènes, répétitives, s'enchaînent. En fait, le début du film est carrément un documentaire. Presque pas de dialogues, une routine déprimante, un quotidien des moins enviables. Avec son visage austère et ses crises d'hystérie ou de maux de ventre, Rosetta n'attire franchement pas notre sympathie. De petit boulot en petit boulot, elle essaie de survivre.
Mais le film démarre lorsqu'elle rencontre ce mec, un peu paumé aussi, qui décide de la prendre sous son aile. Du moins il essaye. La scène la plus marquante du film survient lorsque Rosetta, avant de s'endormir, se parle à elle-même, en chuchotant, comme une enfant: "Tu t'appelles Rosetta...Je m'appelle Rosetta...Tu as une vie normale...J'ai une vie normale...Tu t'es fait un ami...Je me suis fait un ami...". A ce moment-là, les frères Dardenne commencent à pénétrer un peu plus au fond de leur personnage. Enfin, on commence à avoir envie de l'aider, de la rassurer. Mais finalement, pas de place aux sentiments. Car Rosetta, pour trouver du travail, est capable du pire des coups-bas; tant pis pour l'amitié: de toute façon, ce qui compte, c'est survivre. Dans le très beau dernier plan du film, Rosetta, dans une détresse folle, semble enfin prête à tendre la main.