Rush
7.2
Rush

Film de Ron Howard (2013)

Une compétition à taux mobile

Il y a l'inné et il y a l'acquis. 
La petite histoire introductive qui suit concerne un enfant pour qui l'univers automobile ne fut qu'inné.
Assis à l'arrière de la voiture familiale, dès que sa taille permit à sa petite tête de dépasser la hauteur de la portière et ainsi ses yeux d'apercevoir les alentours, ce ne fut que pour tenter d'attraper les bolides croisés ou dépassés. Et alors, de faire une sélection entre ceux dignes d'être gardés et ceux qu'il fallait rejeter. Quand enfin sa bouche pût exprimer autre chose que de disgracieux borborygmes, ce ne fut que pour commencer à prononcer de délicieux noms de marques automobiles. 

Quand, à la double faveur d'un déménagement et d'une diffusion télé plus accessible, il lui fut permis de suivre l'essentiel de la saison de formule 1 qui s'ouvrait, une sorte de graal s'offrait à lui. Nous étions en 1976, Cnarf06 avait 14 ans et son jeune frère, plus jeune de 6 ans, qui écrit a présent ces lignes, ne pouvait être que fortement imprégné de cette ambiance motorisée où les hormones se mélangeaient aux vapeurs d'essence.. 

Vous l'aurez compris, rien dans tout ce que je vais pouvoir dire sur ce film ne pourra être objectif. Entre des souvenirs forcément un peu nostalgiques, un amour immodéré pour la tirélacirou, pardon, la Tyrell à six roues, et les réminiscences d'une époque enfouie (les 70s et leurs décors version galette de Pont Aven, la finale de Rolland-garros Panatta-Solomon, les débuts du commissaire Moulin à la télé... tu en veux des souvenirs ?), le film ne pouvait que faire mouche. 

-Niki qu'on craignît un temps péri-

En fait, si, bien sur, le film pouvait se planter dans les grandes largeurs. Et il ne le fait pas. En découle une immense tendresse qui, on y revient, rend mon appréciation aussi peu rigoureusement scientifique qu'il est possible. 
La reconstitution globale de l'époque (voitures, décors et costumes) est parfaite, assez éloignée des exercices habituels qui ne misent souvent que sur une chemise fleurie, une moustache ostentatoire et une paire de lunette désuète. 
La fidélité aux péripéties sportives de la saison 76 est suffisamment rigoureuse pour permettre au  fan pointilleux de l'époque de rester immergé. Le parti pris de réalisation joue habilement sur le décalage entre l'époque du récit et aujourd'hui. Les anecdotes gouleyantes sont légions, comme le fait que Lauda dût emprunter à taux fixe pour échapper à une lourdeur familiale asphyxiante. 

Goutte d'huile dans le V8, la rivalité entre deux champions présentés comme deux trous du cul machos égocentriques est assez vivifiante (revoir des photos d'époque montre à quel point les acteurs principaux sont confondants de mimétisme, pour ne pas parler de crédibilité). Les scènes d'hôpital sont suffisamment peu édulcorées pour nous inciter a serrer les dents  plus d'une fois.
À tel point qu'on se demande rapidement, devant ce manque certain de glamour hollywoodien, comment le film à pu être reçu dans le pays du réalisateur. J'ai entendu dire que Ron Howard avait déclaré que ce film avait été conçu pour le public européen. Ce qui expliquerai a bien des égards les nombreuses qualités de l'ensemble. 

À moins d'être parfaitement hermétique aux voitures de course ou aux reconstitutions sportives historiques, vous pouvez donc embarquer sans appréhension dans ces bolides dont on sent parfaitement à quel point il ne s'agissait à l'époque que de bombes roulantes dont le moindre écart pouvait vous expédier ad patres. 

Good job Ron. 
guyness

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