--Faire des films basés sur l'univers de l'automobile, c'est difficile.--
Il suffit de voir le nombre de navets qui sortent tout les ans et qui bousillent la magie qui peut lier un pilote à sa voiture. Le dernier en date étant le très oubliable Need For Speed de Scott Waugh, sans citer des bouses comme la saga Fast and Furious (qui était pas trop mal à l'origine puis a dérapé sur le genre action +++) ou 60 Secondes Chrono (Hahah Nicholas Cage), etc.
Le Graal à atteindre c'est Le Mans de Lee H. Katzin avec Steve McQueen, qui est selon moi le meilleur film de voiture/course jamais filmé, j'y reviendrai plus tard mais quel pied ce film.
Donc le mieux pour faire un film de voiture sans se planter : c'est faire un film de voiture sans voiture.
Et curieusement ça marche très bien : Drive de Nicolas Winding Refn avec Ryan Gosling en est l'exemple type, qui à part quelques scènes utilisant la voiture (notamment l'introduction absolument magistrale, souvenir inoubliable), le reste est composé de scènes d'intérieurs et d'extérieur filmant l'intimité et la psychologie du personnage principal.
--Et Rush aussi appartient à ces films de voitures sans voitures (ou presque).--
Le film est avant tout un biopic sur l'antagonisme entre deux grands pilotes de formule 1 des années 70 : Niki Lauda et James Hunt, de leurs débuts en formule 3000 jusqu'a leur apogée avec le championnat du monde 1976 et le fameux accident de Lauda. Et c'est cette construction des personnages au fur et à mesure de l'avancé de leurs carrières qui fait l'intérêt du film, bien avant le spectacle des scènes de courses.
La construction puis le développement psychologique de ces deux protagonistes est le principal spectacle auquel on assiste, nous montrant un James Hunt fougueux, égocentrique bourré du talent de pilotage jusqu'au cou, dragueur saoulard à la plastique irréprochable, tel un playboy des stands à la recherche de sa prochaine victime. D'ailleurs sa devise le montre bien "Sex, breakfast of champions", illustrant totalement le personnage plein de panache. Et opposant à ça un Niki Lauda antipathique, froid et calculateur, lui aussi égocentrique bourré d'un talent de conception de voiture (Lauda n'était pas un pilote hors pair), perfectionniste et jusqu'au-boutiste, aimant se faire détester des autres sur l'autel du travail.
Même si on nous montre une manichéenne image du bien et du mal, avec un James Hunt qui dès le début s'accorde notre sympathie comme il séduit les femmes, et un Niki Lauda qui provoquera une répulsion instantanée, le film s'amuse de nous en soufflant le chaud et le froid. On se rendra vite compte que Hunt est un machiste alcoolique et violent et que Lauda est un petit débrouillard partit de rien et bourré de failles attachantes. Ce film passe son temps à inverser les rôles du bien et du mal entre les deux personnages avec un rythme très intéressant, la fin harmonisant les deux personnages dans l'image du champion assagit.
D'ailleurs, les deux sont des machos invétérés, les femmes dans ce film ne sont que des "faire valoir", des poupées à la plastique toujours irréprochable, rarement utiles, souvent potiches, exactement tel que ça l'était à l'époque mais je pense pouvoir malgré ma faible connaissance du milieu sportif automobile que c'est toujours le cas aujourd'hui, cf. les pilotes sortant avec des mannequins ou des actrices (Lewis c'est pour toi ;).
-- Filmer des voitures et des courses automobiles, c'est encore plus difficile.--
Dans ce film, l'action automobile est moins bien filmée que dans Taxi, c'est dire.
Là où dans Le Mans avec Steve McQueen, la voiture est la fin en soit et le film est dédié aux voitures, avec une caméra au plus près de l'action, Rush filme assez maladroitement les scènes de courses. On n'est jamais réellement dans la course et on se sent rarement investit en regardant les dépassement ou les dérapages sous la pluie. Seul la course sur Suzuka de 1976 nous investit dans les derniers tours avec le doute sur la mort du pilote que l'on sent arriver et qu'on se surprend à attendre. Techniquement incroyable, la caméra filme les essieux, puis l'aileron, puis le visage du pilote, puis la roue avant, puis la gentille femme qui attends aux stands, puis la roue arrière avec le rival qui veut te faire l'intérieur, etc. Le film change trop souvent de plan dans une même scène pour nous scotcher devant l'écran, la caméra bouge trop et adopte souvent le mauvais angle pour nous montrer l'action telle qu'elle est. On n'a à aucun moment l'impression de vitesse, tout est trop rapide pour nous immerger. Une caméra frontale dans une ligne droite puis un pif-paf montre bien la vitesse et la dangerosité, là on n'a pas ce genre de plan. Une caméra fixe filmant une épingle à cheveux laissant filer les voitures à la chaine montre l'image de la compétition, mais là on n'a pas ça. Dommage, il y aurait eu moyen de faire un superbe film fidèle aux matériel d'origine, mais les scènes automobiles sont une vraie déception.
--Mais faire des films sur les années 70, c'est facile (mais pas que).--
Une des choses que retranscrit le mieux ce film, c'est l'univers des années 70 avec sont style vestimentaire si particulier, la manière de parler des personnes de l'époque, la musique et la couleur des choses. La photographie est assez classique mais sait mettre en valeur les couleurs vives de l'époque avec un contraste assez prononcé. L'ambiance générale y est très seventies même si on aurait aimé y voir quelques soirées de l'époque. Dans le genre, X-men Le commencement est excellent pour retranscrire les 60', Rush arrive à presque ma même performance sans le petit grain de folie nécessaire à retranscrire l'ambiance des 70'. Étant né bien après ces époques là, je pense que c'est probablement ma vision de ces époques qui réclame le petit grain de folie, une sorte de nostalgie par opposition aux années 90 et 2000 bien fades que j'ai connu.
--Finalement c'est quand même un bon film einh !--
Pour conclure, Rush est un excellent divertissement. Un biopic assez classique dans son approche malgré une narration bicéphale intrigante au début, mais avec un développement intéressant et surtout avec une énorme dose d'un humour grinçant et acide entre les deux protagonistes. Le seul défaut de ce film restera la (très?) mauvaise manière de filmer l'action automobile, ne nous plongeant que rarement dans la voiture, et sans réel sentiment de compétition automobile à l'exception des deux personnages principaux. Donc un 9/10 raté donnant un 7/10, tellement dommage.
PS. Je ne me lance pas dans l'analyse de la saison 1976, je m'y connais pas assez en F1 pour commenter ça, la seule chose que je peux dire étant que le sport automobile y est fidèlement retranscrit et qu'on ne voit pas assez les autres concurrents dans les scènes communes.