Récemment j'ai revu ce film de Coppola. "Rumble Fish". C'est un peu un ovni dans la carrière du réalisateur d'Apocalypse Now. Ce film a été tourné avec un budget modeste. On est loin des grosses productions d'Apocalypse Now ou de Coup de coeur. Avec une photo magnifique en noir et blanc, tout en sobriété mais néanmoins très esthétique et l'utilisation de la profondeur de champ qui semble écraser les personnages prisonniers de cet environnement étouffant, Coppola nous transporte au coeur de la relation entre Rusty James (Matt Dillon) et son frère aîné The Motorcycle Boy (Mickey Rourke). Le parti pris du réalisateur de tourner en noir et blanc est justifié par le fait que Motorcycle Boy est daltonien et ne perçoit pas les couleurs, à part celle des poissons combattants (rouge et bleu). Seuls quelques plans bien spécifiés sont en couleurs (notamment la scène finale où Coppola utilise la couleur dans le parc. La danse des gyrophares tantôt en n&b tantôt en couleurs ou lorsque Rusty James brise la vitre de la voiture de police...)
Le jour l'objectif accélère le mouvement et comprime le temps. Les personnages attendent la tiédeur de la nuit pour s'exprimer. La violence mécanique entraînent les corps qui tournoient dans l'espace et finissent roulants dans l'herbe. La mort du Motorcycle Boy, théâtralisée à l'extrême contraste brusquement avec Rusty James qui retourne le corps de son frère, le visage ensanglanté devant le regard "ironique" du flic qui vient de l'abattre. The Motorbycicle Boy, mauvais garçon est un chien fou. Il paye de sa vie son indépendance et sa soif de liberté. Rusty James comprend alors qu'il doit partir en Californie comme il avait promis à son frère et s'affranchir de cet univers sans but et sans issue.
Ce film réalisé pratiquement en même temps que "Outsiders" et traitant du même sujet ou presque, réunit Matt Dillon et Mickey Rourke dans le rôle étrange et envoûtant du grand frère. La présence énigmatique de Tom Waits dans le rôle du barman, confident et compréhensif renforce ce "décalage" et le copain "traître", joué par le jeune Nicolas Cage ajoute à ce sentiment de volonté d'évasion. Les derniers plans du film sont criants de liberté et de lassitude nostalgique.
Un grand film ! Décidément j'aime Francis Ford Coppola ! A voir !
PS Il y a longtemps un ami m'a posé cette devinette marrante : comment reconnaître un bon d'un mauvais Coppola ? C'est simple, me dit-il, quand il signe Francis Coppola, c'est un film de commande...(donc souvent moyen) mais quand il signe Francis Ford Coppola, c'est un film qu'il revendique !