Déflagration écologiste

La fiction a-t-elle rejoint la réalité ? Juin 2023, le collectif écologiste Les Soulèvements de la Terre est dissout par le gouvernement après les événements de Sainte-Soline. Dans son décret, le ministre Gérald Darmanin incrimine un essai datant de 2020, How to Blow Up a Pipeline, du suédois Andreas Malm. Timing parfait pour ceux qui ne l'aurait pas lu, une libre adaptation américaine vient d'arriver sur grand écran, avec comme titre sur le territoire français : Sabotage.

Un casting détonnant

Ici, pas question de bassines, mais plutôt d'un pipeline dans le Texas. Acheminant le pétrole des différentes raffineries de la région, ces tuyaux s'étalant sur d'interminables kilomètres s'imposent comme la cible idéale de huit militants. Xochitl, Rowan, Logan, Michael, Theo, Alisha, Shawn et Dwayne n'ont pas grand chose en commun, si ce n'est qu'ils subissent ou sont témoins des conséquences du dérèglement climatique. Et ils comptent bien agir dans le but de changer les choses. De leur rencontre au plan final en passant par la fabrication des bombes, le long-métrage retrace l'opération de sabotage dans les moindres détails. Si les préparatifs se passent bien, la mise en place est une toute autre affaire.

Peu connus du grand public, les interprètes de ce film choral ont pourtant déjà quelques beaux succès derrière eux, aussi bien dans le cinéma indépendant que dans des séries à succès. Parmi les militants, on retrouve Lukas Gage (The White Lotus), Sasha Lane (American Honey), Marcus Scribner (Black-ish), Kristine Froseth (Le bon apôtre), Forrest Goodluck (The Revenant), Jayme Lawson (The Woman King), Jack Weary (It Follows) et Ariela Barer (Marvel's Runaways). Cette dernière s'impose comme l'un des éléments fondateurs de l'œuvre. En effet, l'actrice est créditée comme co-scénariste du film, aux côtés de Jordan Sjol et Daniel Goldhaber, le réalisateur.

Une tension explosive

Sabotage embarque donc le spectateur dans la préparation de cet acte militant pour certain, terroriste pour les autres. Si sur le papier, l'ampleur du projet n'est pas de taille, le film parvient à nous faire entrer dans l'intimité de chacun pour permettre d'en mesurer l'importance et les risques encourus. Pour cela, le récit adopte une narration en deux temps : l'acte en lui-même, et des flashbacks ciblés sur les personnages. Dans la forme, le procédé peut sembler redondant, même s'il vient ponctuer certaines scènes fortes du récit. Pourtant, ce choix narratif permet de donner du corps à ces huit personnages qui doivent se partager à part égal tout juste 1h44 de film.

Et c'est là qu'interviennent les bonnes idées de mises en scène signées Daniel Goldhaber (Cam). Pour son deuxième film, le jeune réalisateur choisit le plus souvent d'associer au moins deux personnages dans le plan ou dans sa narration. Pour gagner, certes, du temps, mais aussi créer du lien entre eux. La technique est payante d'autant plus que Sabotage a été tourné en 16mm. Le grain de l'image, tout comme sa lumière, apporte au long-métrage une ambiance nostalgique de film de groupes de marginaux ou de militants. Le tout est porté par une musique détonante signée Daniel Garber et qui vient rappeler les sonorités de Heat de Michael Mann.

Ajoutez à cela une tension crescendo et un final impressionnant, Sabotage s'impose comme une vraie réussite. Un film capable de traiter aussi bien un sujet mondial que les traumas écocides de personnages peu caricaturaux. A sa sortie aux Etats-Unis, le film a fait craindre aux autorités locales l'émergence de nouvelles actions écologistes de grandes envergures. Il n'en fut rien. Pour l'instant.