Le sacre de l'été
Le plus immédiatement troublant devant Midsommar, c'est sans doute – comme à peu près tout le monde l'aura relevé – de se retrouver face à une œuvre horrifique toute faite d'été, de ciel bleu, de...
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Dani (Florence Pugh) et Christian (Jack Reynor) vivent une relation de couple difficile. Lorsqu’un drame touche la famille de la jeune femme, celle-ci est emmenée par son conjoint en Suède pour lui changer les idées et assister au Midsommar, un festival se déroulant tous les 90 ans dans un village isolé. Tout se passe comme prévu.
Après une scène d’introduction aux allures d’uppercut, plusieurs éléments confirment le talent du réalisateur. Tout d’abord, il sait choisir ses acteurs. Dans Hérédité, Toni Collette proposait aux spectateurs une performance poignante et terrifiante à la fois. Avec Midsommar, Florence Pugh prend le flambeau de la tête d’affiche et l’assume pleinement. L’actrice britannique de 23 ans, repérée par Ari Aster dans le film The Young Lady, dévoile un jeu d’acteur hors norme qui attire l’attention. Ses cris de douleur, ses larmes et ses émotions rappelleront à tous des souvenirs marquants. L’identification au personnage est quasi immédiate, permettant au long-métrage de se libérer et d’être généreux dans d’autres aspects, comme le mélange des genres.
Parce que Midsommar ne se contente pas d’être un film d’horreur. Comique parfois, il s‘agit surtout d’un film de rupture amoureuse. Ari Aster est franc là-dessus, comme avec Hérédité, il s’est inspiré de sa vie personnelle pour ajouter à son œuvre un genre qui ne phagocyte pas l’horreur de la situation tout en légitimant sa place dans le récit. La trame cathartique regorge alors de parallèles avec certaines situations horrifiques, de quoi donner du sous-texte aux différents thèmes abordés.
Assez rare pour le souligner, le genre de l’horreur et l’écologie ne sont pas souvent associés. Avec Midsommar, le cinéaste nous propose une communauté croyant au principe de la réincarnation et au concept d’une vie cyclique. Malgré son extrémisme dans leurs mises en pratique dans le film, ces différentes habitudes peuvent sembler logiques, cohérentes, adaptables au monde d’aujourd’hui. De quoi créer le débat entre spectateurs sur l’utilité ou non de telles pratiques, voire de son sens moral.
Il ne faut cependant pas oublier un mot écrit précédemment : Communauté. Ce thème, décidément ancré dans la filmographie du cinéaste, est l’une des pièces maîtresses dans la compréhension du récit. L’importance de la famille ainsi que sa définition, partager pour mieux ressentir et accompagner ses proches, tenter de se libérer de l’obscurité du monde moderne par différents moyens. Si Midsommar devait synthétiser son propos communautaire en une phrase, ce serait ce dialogue précis du film : « Pas besoin de mots pour se comprendre ».
Cet ensemble finira par construire une autre culture. Cette dernière bénéficiera même de son propre alphabet, l’Affekt, ainsi que d’un alphabet runique, le tout étant fictif. Ce travail minutieux n’est ni anodin, ni vain, puisqu’il permet au spectateur de s’identifier une fois de plus avec les personnages principaux, ils découvriront ensemble les différentes facettes d’un monde qu’ils ne connaissaient pas. Le spectateur, comme le personnage, scrutera chaque détail des fresques prophétiques ornant les murs des infrastructures et essaiera d’anticiper, souvent en vain, quels sont les rites et coutumes de cet endroit si particulier.
Mais tout cela semblerait bien fade si la réalisation ne proposait pas elle-même un peu de folie. Si certains mouvements de caméra et plans semblent être simplement efficaces et esthétiques, d’autres proposent une interprétation riche et importante pour le récit. Pas besoin de dialogues, le message est à l’écran. Autre technique très présente, le hors-champ. Le principe est simple, une action se déroule en dehors du cadre de l’image. Parfois visible au travers d’un miroir ou d’un reflet, certains hors-champs ne font appel qu’à l’imagination du spectateur. Le film en regorge, offrant tout de même à l’horreur en plein jour une part d’ombre, de ténèbres.
N’attendez pas de Midsommar qu’il vous fasse sursauter, il n’en a pas l’ambition. L’horreur ici se ressent, elle se glisse dans votre chair, vous glace le sang et vous ronge les os. Mais gardez bien les yeux grands ouverts, car le film plonge le spectateur dans une œuvre aux nombreux sous-textes et mystères. Le soleil, la respiration, la réincarnation, la culture, le partage, tout ceci emmené par une Florence Pugh absolument magistrale. Ari Aster a fait de son Midsommar un chef d’œuvre. En deux productions, l’artiste est devenu le meilleur dans son genre, inimitable.
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Créée
le 4 août 2019
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