Nager, ramper, le terme "crawl" a bien des définitions dans la langue de Shakespeare et le film nous les propose toutes sur un plateau d’argent, même le moins glamour à savoir vide sanitaire (crawl space) ! Ce dernier est notamment l’endroit où se retrouvent Hayley (Kaya Scodelario) et son père Dave (Barry Pepper) lors d’un ouragan de catégorie 5 en Floride. Sans nouvelles, Hayley part chercher son père juste avant le début de la catastrophe naturelle. Elle le retrouvera inconscient dans le vide sanitaire de l’ancienne maison familiale. Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’un alligator s’y trouve aussi.
La présence des deux acteurs n’est pas anodine. Kaya Scodelario a été approchée par le réalisateur , Alexandre Aja, pour son profil. En interview, il dévoile que c’est le regard de l’actrice britannique qui l’a conforté dans ce choix. Un regard guerrier, qui nourrit la tension et attire le spectateur. Barry Pepper, quant à lui, a été proposé par Kaya Scodelario elle-même. Les deux acteurs s’étaient rencontrés sur le tournage de la saga Le Labyrinthe. Une proposition qui aura finalement fait mouche.
Crawl est alors la porte d’entrée pour l’actrice dans le film de genre. Un statut auquel il n’aura pas réussi à se cantonner puisque pour le réalisateur, l’œuvre est multigenre. On y retrouve une dimension de film catastrophe, de monstres, d’alligator mais surtout un drame familial. Ecrit par les frères Rasmussen, le scénario original ne présentait pas cet aspect dans son récit. C’est Alexandre Aja qui l’a intégré à l’histoire avec un personnage féminin fort et indépendant. Cette fois, c’est la fille qui vient au secours de son père, de quoi casser les codes du genre. C’est notamment ce qui a convaincu Kaya Scodelario de se lancer dans ce projet :
Je ne voulais pas être la copine de, devoir embrasser un personnage ou enlever mes sous-vêtements sans aucune raison. Le personnage d’Hayley a une histoire, des motivations. Elle est badass et c’est une survivante avant tout.
Cette réécriture se ressent d’ailleurs tout au long de l’intrigue par sa narration au travers d’un scénario efficace mais surtout cohérent. Fini les arrachages de cheveux à cause d’un personnage blond à forte poitrine, les 15 premières minutes du film sont semblables à une course aux indices pour trouver le père. Très plaisantes, elles n’en restent pas moins une excellente introduction aux enjeux familiaux. Autre aspect marqué par cette réécriture, les décors. Le spectateur assistera à la désacralisation de la maison familiale. Le parallèle avec la vie de famille est évident : les bases solides, les marques du temps ou encore l’attachement émotionnel à la matière. Un sujet de fond réussi qui donnera de la profondeur aux évènements.
Crawl signe ici un retour aux sources pour Alexandre Aja qui avait marqué les esprits avec son remake de La Colline à des yeux, avant de partir dans un cinéma horrifique plus proche de la comédie, voire de la satire, avec Piranhas 3D et Horns. Le véritable tour de force du film, c’est finalement sa tension et la présence de quelques scènes très fortes en termes de réalisation. Avoir peur de l’eau croupie, sans pouvoir anticiper quoi que ce soit par manque de visibilité, crée chez le spectateur une peur dite psychologique. L’atmosphère en devient irrespirable par moment, une sensation de panique qui montera crescendo, pour le plus grand plaisir des aficionados du genre.
Seul point faible, ses effets spéciaux. Avec près de 13,5 Millions de dollars de budget, un tiers de celui-ci a été consacré aux alligators et autres effets visuels pour un rendu parfois mitigé, l’utilisation d’animatroniques ayant été jugé inadéquate dû à leur mouvement saccadé. Un état de fait étonnant et rassurant à la fois. Une œuvre cinématographique n’a pas besoin d’être visuellement parfaite pour être réussie. Producteur du film, Sam Raimi a conforté une fois de plus cette conclusion. Réalisateur de la trilogie Evil Dead, le premier opus disposait de 375 000 dollars de budget pour le succès qu’on lui connaît aujourd’hui.
Crawl est récompensé par ailleurs d’un succès critique et populaire aux Etats-Unis et en France, de quoi donner plus d’opportunités au réalisateur français avec d’autres cinéastes, Sam Raimi ou encore le studio de la Paramount. Un scénario simple tout en proposant du contenu original et de qualité, si le cinéma de genre pouvait atteindre ce niveau d’exigence à chaque fois, il se porterait beaucoup mieux.