Ce film est un film français. Mais ce film n'est pas un film avec Bernard Campan (que je respecte) ou avec Pierre Niney (que je respecte aussi). Ce film n'est pas un film tourné à Paris (que je respecte). Ce film ne parle pas d'hommes qui trompent leur femme mais qui en fait ont des remords ou qui ont des problèmes d'érection ou qui pensent avoir une vie de merde parce qu'ils ont choisi de devenir avocat et non pas photographe ou qui couchent avec une fille tout en sachant que leur relation est mal vue de leur famille ou de leurs amis ou qui ont d'autres tracas absolument invivables comptant parmi toutes les pires choses que l'on peut souhaiter à un homme comme toutes celles citées ci-dessus.
Non, ce film parle de la réalité, la vraie, pas celle qui n'intéresse que ceux qui en font des films. Ce film parle de la province, déjà, et depuis Les Visiteurs I et II aucun film n'avait vraiment tenté de montrer le terroir, la rusticité (toute relative) de la France. Et que l'on ne me parle pas de Bienvenue Chez les Ch'tis (de toute façon peu de gens ici l'ont aimé, tant mieux). Saint Amour traite de vrais problèmes contemporains : la solitude, le désert sexuel d'hommes victimes de l'évolution des relations homme/femme qu'ils n'ont pu anticiper et auxquelles ils n'ont pu s'adapter, l'appauvrissement et l'isolement progressif des campagnes, le délaissement des petites gens par les politiques nationales. Mais le film ne s'attaque pas seulement à des questions de contexte socio-économique. Il traite également de questionnements philosophiques : la solitude (sociologique, bien sûr, mais aussi métaphysique) et la relation père/fils.
Mais s'attaquer à des questions, c'est bien. Encore faut-il tenter d'y répondre, et ce d'une manière originale. Et c'est exactement ce que fait Saint Amour. Cette oeuvre prend des risques dans son propos, et bordel ça fait du bien de voir un film pour une fois non conventionnel et pas forcément politiquement correct dans son propos. Sans rentrer dans le spoil, je fais bien sûr, par exemple, référence au dénouement du film.
Mais Saint Amour n'est pas uniquement un film "qui fait réfléchir", même s'il le fait très bien. On passe aussi un très bon moment, on rigole (surtout quand on est fan des deux lascars qui l'ont réalisé), et on voit des moments complètement what the fuck et complètement innovants pour une oeuvre tout public (le passage sur le déroulement d'une cuite, Depardieu à poil, la scène avec Houellebecq...). C'est donc également innovant dans la forme, pas seulement dans le fond, et c'est rafraîchissant.
La prestation des trois acteurs principaux est époustouflante. Depardieu est touchant, Poelvoorde est touchant et drôle, et on a de l'empathie pour le personnage joué par Vincent Lacoste.
Sans oublier celle de Sébastien Tellier pour sa BO complètement folle et reflétant parfaitement l'atmosphère Française et viticole du film.
Un grand film français.