Avec Saint-Laurent, Bertrand Bonello signe un film audacieux, vulgarisant la vie d'YSL et ses moeurs, mais tentant parfois trop de rejoindre le génie de son illustre personnage principal. Si Gaspard Ulliel est parfait dans un rôle qu'il semble avoir préparé en s'imprégnant totalement de la vie du couturier, si Louis Garrel et Jérémie Renier sont tout à fait convaincants et donnent aussi l'impression de vivre dans la peau de leurs personnages, la réalisation de Bonello, encensée par les médias, reste souvent décevante.
N'étant pas le réalisateur virtuose qu'ont vendu les critiques ces derniers jours, Bonello a tenté de réinventer le biopic par des scènes qui n'ont rien à voir avec le genre, qui doivent expliquer sans l'expliciter que Saint-Laurent est un génie hors normes. La scène montrant Valeria Bruni-Tedeschi changée en quelques minutes par la seule volonté du créateur aurait pu permettre de montrer rapidement et subtilement son influence à cette époque. Mais, malheureusement, elle n'y parvient pas, n'ayant pas la force nécessaire pour cela. La voix de l'actrice trahit, à la fin de la scène, un manque de confiance qui contraste trop avec la prétendue sérénité retrouvée par son personnage, et les gestes de Saint-Laurent sont tellement simples et évidents pour quelqu'un d'aujourd'hui qu'il ne paraît pas vraiment animé par une force extérieure. Bien sûr, à l'époque, les idées exprimées dans cet extrait devaient être révolutionnaires mais, entrées dans les moeurs d'aujourd'hui, elles ne paraissent plus exceptionnelles et limitent la portée de la scène.
Mais s'il y a bien une chose à retenir de ce métrage, c'est la prestation animée et intemporelle de Gaspard Ulliel, tout simplement plus vraie que nature. Son timbre de voix s'adaptant parfaitement à celui du couturier qu'il incarne (tout comme celui de Helmut Berger, Saint-Laurent en fin de vie), l'acteur fait entrer le spectateur dans le film et dans l'esprit du personnage. Du début à la fin, pas un pas de travers, pas une erreur. Une prestation de haute volée du début à la fin, ce qui est un exploit rare sur un film d'une telle durée. Si les hommes qui ont accompagné la vie de Saint-Laurent (Berger et de Bascher, même si celui-ci aura été plus proche de Lagerfeld) sont tout aussi bons, la prestation de Léa Seydoux déçoit, neutre et trop discrète.
Enfin, hormis certaines scènes évoquées plus haut, la réalisation reste très convaincante. Le seul reproche à faire à Bonello est qu'il tente trop de tendre vers la virtuosité, chose qu'il semble penser inévitable pour représenter au mieux Saint-Laurent. Souvent sobre mais enthousiaste, sa façon de diriger ses acteurs et la caméra a de quoi satisfaire, même s'il manque peut-être un petit grain de folie pour faire de sa prestation une vraie réussite. Le choix de montrer moins le Saint-Laurent public que le Saint-Laurent intime est une très bonne chose, puisque c'est une part du créateur qu'on connaît trop peu, une part qui aide sans doute à s'attacher au personnage et à se détacher de Pierre Bergé, ce qui peut expliquer que ce dernier n'ait pas accepté de reconnaître le film comme officiel...