Saint Laurent par Teklow13
Le biopic est un genre extrêmement difficile à aborder, d’autant plus aujourd’hui, au milieu de la multitude de films, de purges inutiles, qui sortent chaque semaines sur n’importe quelle célébrité.
J’avais une grosse appréhension en voyant Bonello s’exercer là-dedans, un peu de curiosité et d’espoir de le voir modeler le genre, mais surtout beaucoup de craintes.
Le résultat n’est pas un cinglant échec mais ce n’est pas non plus une réussite.
Le gros problème c’est que je ne parviens pas à saisir, et surtout le film ne parvient pas à montrer clairement, ce qui intéresse le cinéaste dans ce projet, qui se concentre surtout sur une dizaine d’années de la vie du couturier, de fin 60’s à mi 70’s. Le film n’est ni vraiment centré sur l’ambigüité d’YSL, ni sur sa relation avec Pierre Bergé, ni sur le génie créatif de Saint Laurent, ni sur la captation d’une entreprise ni celle d’une époque. Il zigzague un peu au milieu de tout ça mais sans jamais définir un vrai point de vue, ni parvenir à dégager un angle intéressant. Il s’en dégage alors un sentiment de platitude voire d’un objet un peu vain.
Le problème du biopic, c’est que l’on peut tenter tout ce que l’on veut, il y a malgré tout des faits qui existent, une histoire, et il est difficile de totalement se délester de ces contraintes pour amener ce que l’on veut raconter ailleurs. Et ce sentiment est omniprésent ici. On peut, en creusant, déceler ce qui intéresse le cinéaste, mais il y a quelque chose de l’ordre du forcing (le même que le jeu des acteurs pour coller aux personnages) ou de la superposition, entre ce que Bonello veut dire par l’intermédiaire de ses images, et le sujet sur lequel il les plaque. Le mariage ne se fait pas, et on voit un peu trop les ficelles. Par exemple l’utilisation de la musique, elle est très bien choisie, très belle, mais c’est un peu de la triche, car les séquences qu’elle habille, hormis 2,3 exceptions, ne seraient rien sans elle. Comme l’apothéose kaléidoscopique final enveloppé par le chorus 1 de Bach. C’est de l’enrobage mais ça ne crée par tout à fait une entité.
Avec Saint Laurent, il veut refaire l’Apollonide en quelque sorte, mais ça ne colle pas. On sent qu’il cherche à mettre en relief l’incapacité d’un corps à aller au-delà de l’image qu’il renvoi, de composer avec cette image, la difficulté de se mettre à nu. Il travaille également l’ambigüité sexuelle qu’il met en parallèle avec la décadence du monde, et d’une époque, dans lequel ce corps évolue.
Par moments, lorsque les images et les corps dans le cadre se perdent, lorsque la réalité se mêle au fantasme, lorsque la narration se fait plus labyrinthique, on retrouve le côté vénéneux des films précédents du cinéaste, les images ne sont alors plus illustratives mais créent une sensation. Des serpents, des sculptures, des bouts de verres, des corps qui dansent,… Ces passages sont essentiellement liés à la relation trouble, voire sadomasochiste, qu’entretien YSL avec Jacques de Bascher, incarné pour Louis Garrel. Là il se passe quelque chose et c’est très beau.
Mais le reste du temps, à l’image d’une dernière heure et ses 40 fausses fins, malgré les allers-retours temporels, malgré la belle volonté de créer un opéra viscontien sur la chute d’un empire et la décadence d’une société, ça ne fonctionne pas vraiment et le film peine à sortir des sentiers battus.