Le mystérieux film de Pasolini, testament malgré lui, ne cesse encore d'interroger et de dégoûter les cinéphiles courageux qui le regardent. S’il faut résumer le film ; Salo est une mise en scène de la philosophie Sadienne, au travers du roman des 120 journées de Sodome, pour servir une critique du fascisme. L’idée principale est le “tout pouvoir corrompt” robespierriste, le pouvoir absolu menant aux pires excès sadiens. Ainsi on ne parle pas du fascisme réellement puisque seul l’épithète du pouvoir caractéristique régalienne de tout état, lui est attribuer. La doctrine fasciste italienne n’est exprimée clairement à aucun autre moment, Il semble alors au cours du film que la question de la République de Salo s’efface (république n’ayant d'ailleurs aucun pouvoir). Cette vision reste la lecture politique de surface, qui est celle de la moraline antifasciste.


Observons la seconde lecture du réalisateur qui nous semble plus pertinente. Derrière le graveleux et l’aspect pornographique du film voulut pour choquer, c’est un vison marxiste et philosophique, plus symbolique qui se dégage. Une bourgeoisie dominante caractérisé par les noms des tortionnaires le Duc, l’Évêque, le Juge et le Président, (pouvoir exécutif, religieux, judicaire, législatif) représentant tous les étages du pouvoir qui se coalisent (mariage entre eux) pour assouvir leur phantasmes et plaisirs. Ces hommes instaurent alors des lois, règlement de la maison, des mariages, des châtiments, “punitions”, tout cela suivant un cérémonial précis d’histoires racontées dans la pièce principale qui viennent rythmer les déviances des quatre hommes. Pasolini dénonce la mise en place d’un système de lois et d’interdit par une élite bourgeoise, système permettant à cette même bourgeoisie de pouvoir assouvir tous ses désirs dont ceux qu’elle interdit. Cette vision est beaucoup plus générale que le simple contexte de la république fantoche de Mussolini.


Le plaisir et les pratiques sadiennes ne sont pas dénoncés au sens littéral, c’est leur utilisation sans la marque de la liberté et au service d’une élite qui instaure un monde tourné vers elle. Le Palais est l’image du monde et à l’heure ou des scandales toujours plus immonde entachent les élites mondiales, la vision de Pasolini semble d’autant plus criante. Le Palais de Salo n’est-il pas une petite île d'Epstein ?


Dans cette vision Pasolini se veut d’ailleurs très pessimiste, pas de révolution, la seule solution est celle de la pianiste, le suicide. La finalité de la mort que suivra peu de temps avant la sortie le réalisateur dans des circonstances troubles.


Le film du poète italien s’adresse d’ailleurs directement à cette bourgeoisie, le film est réservé à un publique averti et cultivé, pas aux masses. Pasolini critique ainsi ses propres spectateurs mettant en scène les déviances du système qu’ils servent.

Henry_Labrunie
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le 31 oct. 2024

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Henry_Labrunie

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