Pier Paolo Pasolini, figure emblématique du cinéma italien, a toujours su susciter la controverse par son approche sans concession des sujets les plus sensibles. Avec Salò ou les 120 jours de Sodome, son ultime œuvre, il ambitionne de dénoncer les atrocités du fascisme en adaptant librement l'œuvre du marquis de Sade. Pourtant, derrière cette intention noble de mettre en lumière les mécanismes de domination et de perversion du pouvoir, le film échoue à transcender sa propre provocation pour offrir une véritable réflexion. Au lieu d'une critique incisive, Pasolini nous livre une succession de scènes insoutenables qui, plutôt que de servir son propos, le diluent dans un voyeurisme stérile.
Dès les premières minutes, le spectateur est plongé dans un univers de dépravation extrême, où les limites de l'acceptable sont constamment repoussées. La répétition des actes de violence et d'humiliation crée une forme d'engourdissement, annihilant toute possibilité d'empathie ou de révolte. Pasolini semble confondre l'accumulation de l'horreur avec la profondeur du message. Mais à force de vouloir choquer, il oublie de communiquer. Le film ne développe aucune progression narrative ou émotionnelle; il se contente de juxtaposer des tableaux macabres sans offrir de perspective ou d'analyse sur les mécanismes qu'il prétend dénoncer. Cette absence de nuance et de subtilité laisse le spectateur désemparé, face à un spectacle qui ne semble exister que pour lui-même.
La mise en scène, bien que soignée sur le plan esthétique, manque cruellement de dynamisme. Les cadrages froids et distants renforcent le sentiment de détachement, rendant les personnages aussi inaccessibles qu'insaisissables. Les acteurs, réduits à des archétypes dépourvus d'humanité, ne parviennent pas à insuffler la moindre vie à leurs rôles. Cette déshumanisation systématique, si elle était peut-être intentionnelle, finit par desservir le film en le privant de toute dimension tragique ou cathartique.
En fin de compte, Salò ou les 120 jours de Sodome ne parvient pas à dépasser le stade de la provocation gratuite. Il se contente de montrer l'ignoble sans jamais l'interroger, de représenter le mal sans en explorer les racines ou les conséquences. Le spectateur, plutôt que d'être invité à réfléchir ou à ressentir, est simplement assailli par une série de visions éprouvantes qui ne mènent nulle part. Le message politique, s'il existe, est noyé sous le poids de cette surenchère malsaine.