Ron Fricke prolonge son Baraka pour proposer, continuer à proposer, non pas LA, mais sa vision du monde. Ce n’est en aucun cas un livre d’images géo, c’est un poème visuel, un ample mouvement lyrique de juxtaposition d’images. Un grand maelstrom dans lequel le cinéaste saisit des paysages, des visages, des corps,… et dans lequel se côtoient la beauté, l’horreur, la vie, la mort, la création, la destruction, la sagesse, la folie, l’immobilité, le mouvement,…
La narration naît à la fois au sein du cadre, mais aussi et surtout à travers le montage qu’il met en place. Et c’est bien dans ce montage que son discours apparaît.
On pourrait trouver l’exercice redondant et très proche de son Baraka et de la trilogie des Qatsi, surtout dans son approche écologique. On pourrait aussi trouver le discours parfois simpliste et réducteur mais peu importe ça fonctionne totalement.
En grande partie car outre le travail d’observateur, il y a un vrai travail de cinéaste et de peintre. Fricke pétrie la matière, travaille la lumière, les couleurs,… ll ne se contente pas de montrer le réel, il donne à voir son tableau sur lequel il l’a représenté. Et ce qui est beau, c’est que l’on voit les coups de pinceau.
Ca donne à l’écran quelque chose de très stimulant. On y voit des choses incroyables, des moments esthétiques rarement vus, ou en tout cas pas de cette manière.
Le plus beau se trouvant au milieu du film. On y voit un bureaucrate assis derrière son bureau face à la caméra. Il commence à s’étaler de la boue sur le visage, puis se maquille, se peint,... tout ça avec une force et une folie inouïe.
Cette séquence, étonnante pastille presque décollée du reste, en est peut être la synthèse la plus radicale.
Outre la captation de la folie, Fricke semble rapprocher cette sphère-visage à la sphère-monde.
Une surface que l’on recouvre, que la malaxe, que l’on agresse. Surface où l’on peint et où l’on efface. Surface où l’on juxtapose des couches sous peine de voir disparaître ce qu’il y a en dessous.
J’ai trouvé ça magnifique.