Film de Maurice Tourneur tourné en 1936 qui met en scène un Harry Baur, qui, parti de rien, a fait fortune à force de travail et de talent en Bourse.
Le voilà riche. Voici que son argent n'a pas suffisamment d'odeur et l'Aristocratie parisienne le flatte et lui "vend" ou lui "sacrifie" une femme (Gaby Morlay) dont il tombe éperdument amoureux. Mais celle qui devient sa femme ne l'aime pas et ne fait, par principe, aucun effort pour le comprendre.
Et voici, le paradoxe saisissant de ce film.
L'aristocratie dont une des caractéristiques (théorique, institutionnelle, historique) est le code d'honneur, le code de chevalerie, est ici, prête à toutes les compromissions, toutes les bassesses , toutes les soumissions pourvu qu'on redore le blason pour pouvoir briller à nouveau grâce à cet argent retrouvé à travers ce mariage. Il faut voir Gabrielle Dorziat, excellente, dans un rôle de totale hypocrisie : d'un côté, la grandeur, l'honneur, l'éducation, la religion, le rang, la caste … de l'autre, le mépris à peine voilé pour ce citoyen de "troisième classe", la peur de manquer, la petitesse…
Quant au manant (Harry Baur), l'ex portefaix, le maquignon, …devenu riche non pas malhonnêtement mais à la force de son poignet, grâce à son talent et son travail sans relâche dans la finance et dans la gestion d'entreprises, montre une certaine dureté dans ses rapports avec ses pairs, est impitoyable avec le journaliste qui veut le faire chanter mais marque un respect profond à ses collaborateurs mais montre une grande droiture mais aussi un certain code de l'honneur. Un seigneur de la finance, pourrait-on dire…
Quand il comprend que sa femme non seulement ne l'aime pas mais qu'elle le trompe avec un minable (un aristocrate mais minable), alors il remet tout en cause, sa situation, son argent et tel un chevalier, tel Samson, s'élance contre la forteresse (la Bourse) afin d'écraser son rival mais aussi tous ceux de son espèce et alors que tout semble perdu, fait la reconquête de sa femme qui le découvre soudain. C'est la revanche de l'homme du peuple blessé et humilié.
C'est un beau film à de nombreux égards : d'abord le triomphe du talent et du travail sur l'indolence, la suffisance, les parasites, la dépravation. Et puis, la beauté du personnage joué par ce vieux crocodile d'Harry Baur est toute intérieure et éclate au grand jour quand il parvient ou qu'on lui laisse ouvrir son cœur. Même le personnage de Gaby Morlay, qui ne déroge pas à ses principes, malgré son aventure qui tourne au fiasco et qu'elle ressent comme une erreur, ne manque pas de panache et de grandeur.