A Londres, Adam, écrivain, vit dans une tour où la plupart des appartements sont inoccupés. Une nuit, la monotonie de son quotidien est interrompue par sa rencontre avec un mystérieux voisin, Harry. Alors que les deux hommes se rapprochent, Adam est assailli par des souvenirs de son passé et retourne dans la ville de banlieue où il a grandi. Arrivé devant sa maison d'enfance, il découvre que ses parents occupent les lieux, et semblent avoir le même âge que le jour de leur mort, il y a plus de 30 ans.
Sans jamais nous connaître (All of us are strangers) est un drame fantastique et onirique britannique d'Andrew Haigh sorti en France en 2024.
Intrigué par une bande annonce énigmatique et des retours favorables , je me suis décidé à aller voir il y a une dizaine de jours ce drame original qui mélange les registres de la romance, du fantastique et des "temporalités parallèles". Depuis, ce film me hante. Sans jamais nous connaître est un film sensible et douloureux qui peut interpeller tout à chacun, en fonction des drames et des fantômes du passé qui peuvent sommeiller au fond de chacun d'entre nous et ne demandent qu'à se réveiller.
Le passé au présent
Adam, écrivain, est un homme solitaire qui vit dans l'appartement d'un grand immeuble londonien quasiment vide. Adam est un homme au regard craintif et angoissé. Un soir, Harry, un de ses rares voisins, vient frapper à sa porte et lui propose de partager un verre voire plus si affinité.
Adam décline l'invitation. Puis il prend le train pour rejoindre un quartier de la banlieue londonienne et rencontre un homme qui l'invite à boire un verre dans une maison qu'Adam connait, on comprend qu'il se retrouve face à ses parents. Ceux ci sont plus jeunes que lui et forcément, le spectateur s'interroge. Tout au long du film, Adam fera des "allers retours" entre son domicile londonien où il noue une liaison durable avec Harry et la maison de ses parents en banlieue. Là, il se livrera notamment à son "coming out" auprès de sa mère et racontera à son père qu'il était harcelé à l'école au début de son adolescence. Son père lui avoue l'avoir deviné et regrette de ne pas avoir pris sa défense, joignant le geste à la parole en l'enserrant dans ses bras. C'est précisemment à cet instant que les paroles de la chanson Always on my mind chantée notamment par les Pet shop boys, Elvis Presley ou Brenda Lee prennent tout leur sens.
Maybe I didn't treat you quite as good as I should have
Maybe I didn't love you quite as often as I could have
Little things I should have said and done, I just never took the time...
You were always on my mind....
Lors de son ultime visite, Adam et ses parents sont au restaurant, réminiscence de souvenirs familiers et lointains. Ses parents lui font comprendre qu'il faut avancer, aller de l'avant et mettre un terme définitif à ces réunions de "famille imaginaires", ce que le petit garçon qui sommeille en lui a beaucoup de mal à accepter, alors qu'un plan large sur la table devant laquelle il est assis montre qu'il est seul...
"Keep the vampires from your door"
Rentré chez lui, Adam se rend chez Harry qui gît mort sur son lit, une bouteille de whisky à ses cotés. Depuis combien de temps est il mort? Adam et lui ont ils vécu réellement une liaison? Point final sur la condition tragique de ceux qui se retrouvent prisonniers de la solitude, la dernière image montre Adam tenant Harry dans ses bras dans un dernier plan onirique qui les emmène vers les étoiles.
Intelligent, délicat et plein de sensibilité, Sans jamais nous connaître dresse le portrait d'un homme qui n'est jamais devenu adulte, hanté par son passé. Victime de traumas, il s'est réfugié dans ses souvenirs et la solitude, vivant peut être mal son homosexualité. On se demande quel est le quotidien d'Adam lorsque l'on apprend que ses parents sont morts lors d'un accident de voiture alors qu'il avait 12 ans et si sa relation avec Harry s'inscrit même dans une réalité, passée ou présente....ou n'est que le fruit de son imagination.
Chroniquement nostalgique, je fais partie de ceux, qui bien qu'ils tentent de cultiver "l'indifférence du chat" sont des émotifs contrariés incurables, maladivement lucides, qui considèrent d'abord la vie comme un chemin jonché d'épreuves. Rien ne m'émeut davantage qu'un roman émouvant bien écrit, une chanson habilement composée ou un film mystérieux au seuil de la métaphysique qui convoque un passé pas toujours idyllique avec un personnage qui n'a pas fait son deuil. S'appuyant sur un scénario au cordeau, Sans jamais nous connaitre bénéficie d'une bande originale en phase avec le film (Always on my mind, The power of love ainsi que la BO d'Emilie Levienaise-Farrouch...), d'une superbe photographie de Jamie Ramsay et de 4 interprètes talentueux (Claire Foy, Jamie Bell, Paul Mescal ,mention spéciale à Andrew Scott).
Je dois confesser que, d'une certaine façon, ce film subtil, bienveillant et intelligent, universel dans son rapport de l'individu à son passé, m'a "brisé" le coeur....
Trailer
you were always on my mind
Ma note: 8/10