Pruneaux cajuns et autres spécialités locales

Des soldats américains de la Garde Nationale débarquent en Louisiane en 1973 pour des manœuvres. Une patrouille de 9 hommes est constituée pour une expédition de 38 km en direction de Catahoua, en plein pays Cajun. Ces hommes dirigés par le sergent Poole (Peter Coyote) vont devoir traverser des marais à la topographie incertaine.


Rapidement, ils arrivent au bord d’un bayou qu’ils aimeraient traverser pour gagner du temps. Ils repèrent des embarcations attachées sur la rive. Après concertation, ils décident d’en « emprunter » 3 en laissant un mot pour les propriétaires. Ils embarquent à trois par barque. Une fois arrivés au milieu du bayou, à une centaine de mètres d’eux ils aperçoivent les propriétaires au niveau de l’embarcadère. Celui qui a rédigé le mot leur crie de le lire. Malheureusement, à ce moment, le soldat Stuckey (Lewis Smith) les vise avec sa mitraillette. Dans la foulée il s’amuse à tirer. Les Cajuns ne sont pas au courant que les armes des soldats sont chargées à blanc…


Une fois remis de leur frayeur, les Cajuns réagissent. Avant que la patrouille ait eu le temps de comprendre ce qui se passe, le sergent Poole (Peter Coyote) est descendu d’un coup de fusil en pleine tête. Panique sur le bayou : les trois embarcations se retournent. Tant bien que mal, les militaires gagnent l’autre rive à la nage. Mais ils n’ont plus ni radio ni boussole et ils sont trempés. Ils décident de mettre le corps de Poole sur une civière pour rejoindre leur destination.


L’incident ayant évidemment dégénéré, suit une pénible retraite où tout s’enchaîne de façon catastrophique. Dans la patrouille, les dissensions apparaissent et Casper (Les Lannom) prend le commandement. Mais celui-ci manque d’autorité, surtout vis-à-vis de deux têtes brûlées comme Bowden (Alan Autry) et Reece (Fred Ward).


Rapidement, c’est une guerre sans merci qui est déclenchée. Les militaires pensent avoir l’avantage de l’entrainement. Mais les Cajuns ont l’avantage du terrain. Ils sont sur leur territoire et ils ont été agressés. La suite de l’expédition va décimer la patrouille. Le terrain recèle des pièges dont ils n’ont aucune idée. Les menaces sont aussi bien humaines que naturelles. Les Cajuns ne se privent pas pour leur faire sentir qu’ils ont décidé leur mise à mort.


Toute cette partie est rendue de manière incroyablement crédible par un scénario qui relance constamment l’action. La tension est perceptible comme rarement. Les lieux de tournage s’y prêtent remarquablement et la photographie signée Andrew Laszlo se combine parfaitement avec la musique signée Ry Cooder et le son si particulier de sa guitare.


Et puisqu’il est question de musique, cela évoque la dernière partie. Les survivants trouvent des signes de civilisation : une jeep… conduite par des Cajuns qui proposent de les emmener à la ville. Catahoua se révèle digne d’un western. Pas de téléphone et une ambiance de fête (avec un groupe de musiciens typiques) qui justifie le titre original (Southern comfort) où les rescapés ne se sentent toujours pas en sécurité. Ils observent les préparatifs pour des pendaisons…


  Ce film de ***Walter Hill*** est une belle réussite. Bien-sûr, il rappelle énormément ***Délivrance*** de **John Boorman**. Mais ici, pas de demeurés. A deux pas de la civilisation symbolisée par l’autoroute, les Cajuns (héritage culturel français) veulent vivre en paix sur leur territoire. Le pays est magnifique et sauvage. Pendant que les hommes se battent, les animaux poursuivent leurs activités et la bande-son le fait entendre. Le film renvoie dos à dos les acteurs de la violence. Les soldats ont fait preuve d’inconscience, de racisme et de provocation. Quant aux Cajuns, ils ont tué sans que l’un d’eux soit touché. L’engrenage de la violence naît de la bêtise et de l’incompréhension. Cette incompréhension est largement entretenue par la violence latente chez Bowden et Reece. Dans le même temps, les deux plus sensés, Spencer (**Keith Carradine**) et Hardin (**Powers Boothe**) hésitent à se faire entendre. D’ailleurs, depuis le début, Spencer pense avant tout à prendre un peu de bon temps dans cette galère qu’il n’a pas voulu. Son programme : prostituées à l’arrivée et jeu de cartes pendant les pauses. 

Survival ou film de guerre, peu importe puisqu’il est réussi. Walter Hill y dénonce la bêtise humaine qui crée des conflits absurdes avec des provocations inutiles. En effet, si le film comporte des scènes violentes et met en scène des situations de tension extrême, il ne glorifie absolument pas l’esprit guerrier. Les scènes de violence ne sont pas gratuites, puisque (un peu systématiquement), le réalisateur montre que l’agressivité des uns et des autres se retourne contre leurs auteurs.

Electron
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le 9 mai 2013

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