Ça part d'un fait d'hiver, le corps perdu d'une jeune fille, morte de froid au bord d'une route. Pour Agnès Varda, ça suffisait, c'était important même, de remonter sa route, de suivre ses pas jusqu'à ce fossé. La petite, c'est Sandrine Bonnaire, elle a dix-huit ans, elle sera parfaite pour cette errance finale.
Si vous lisez mes critiques, vous savez déjà que j'ai une passion pour les phases terminales, pour les derniers soubresauts. Evidemment, des fois, j'ai du mal quand même, c'est pas les plus faciles les derniers moments. J'aimais bien le côté suicidaire et poétique du Feu follet, encore plus celui d'Oslo 31 août, j'ai détesté Into the wild et son ambiance culpabilisante-moraliste-religieuse. D'habitude, on revit sa mort avec le personnage ; ici, et c'est un parti pris plutôt cool, Agnès, en voix-off, interroge ses dernières rencontres - c'est un film, ce sont des acteurs, il y a même Yolande Moreau -, nous raconte son parcours, nous le commente. Et là, où ça change vraiment, c'est dans le traitement de la jeune fille - elle s'appelle Mona -, à aucun moment, malgré sa fin tragique qui s'approche à grands pas, on n'a de pitié pour elle. Mona a tort tout le temps, Mona se trompe sur toute la ligne, Mona va droit à la catastrophe et personne ne semble vouloir nous le cacher. Elle traîne, et c'est de pire en pire, alors elle va traîner plus loin. Jusqu'à épuisement.
Pourtant, parce qu'il y a un pourtant, sinon ce film serait sordide - avouons-le, c'est déjà pas la joie - Mona fait rêver. Sur son passage, Mona laisse planer un doute. Il y a dans le regard des gens, et dans la voix d'Agnès, une note pas d'espoir mais de quelque chose qui pourrait s'en rapprocher, elle suscite des envies, elle intrigue, des questions se posent en filigrane de la désolation. Et je crois que c'est là que le film touche vraiment (à son but).