Agnès Varda a une puissance unique derrière la caméra. Elle a l’œil aguerri que d’autres n’ont pas, un peu comme Jacques Demy d’ailleurs. Il est donc normal que de cet œil, de ce regard si particulier, sortent sur la pellicule des images singulières, certains diront même « authentiques ».
Dès le générique de démarrage, en un plan ou presque, la réalisatrice va tout nous dire, tout nous dévoiler. On retrouvera tout au long du film cette démarche de la première séquence. Cette qualité incroyable qui à travers une mise en scène minimaliste va nous plonger directement dans le propos. Que voit-on sur ce début de film ? Un tracteur, des vignes, des travailleurs, l’hiver, le froid, une plongée, un trou, un corps, une dépouille. Le film entier peut être résumé dans ce seul plan. C’est à mes yeux une prouesse digne des plus grands.
La construction globale de l’œuvre n’est pas en reste. J’ai pu lire sur différents avis que ce film était un Road Movie. Je ne suis pas tout à fait d’accord. Je dirais même que c’est l’inverse. C’est un « Pause Movie ». Nous ne verrons que très peu Mona voyager, nous verrons en revanche tout le reste. Ses errances, ses rencontres, ses points morts, ses passages furtifs dans la vie des autres. C’est d’ailleurs la vie et l’avis des autres que nous verrons bien plus que l’héroïne, insaisissable, qui volète de l’un à l’autre sans s’en soucier. Nous serons face à des témoignages brut de décoffrage, sans fioriture ni maquillage. Et le film est à l’image de son personnage principal. Une caméra qui n’arrive pas à la saisir, qui essaie de l’acculer dans un coin et qui des fois s’échappe sans elle. Le montage, truffé de faux raccords, cisaillera les errances de Mona pour casser les codes du cinéma. Ce ne sont plus les codes du cinéma ou ceux des acteurs, qui jouent tous infiniment mal, mais ce sont les codes de Mona à travers toute sa crasse et sa saleté. Mona a englobé tout le film, elle a démoli autant les codes et les conventions sociales que la pellicule du film.
Bref, un film à mettre entre toutes les mains d’amateurs d’analyse filmique, de tous les élèves des classes de cinéma, de tous ceux qui aiment qu’on gomme les conventions.
Et donc, me direz-vous ?
Et donc, c’est cela qui ne m’a pas plu. C’est un film agréable à analyser mais insupportable à regarder. J’ai parfois eu l’impression de regarder un de mes courts métrages de l’école de cinéma, quand je me croyais intelligent et super subtil. Sauf que je l’étais pas.
Alors, certes, Agnès Varda est remarquable d’ingéniosité dans ce film. D’ailleurs, au début, je voulais faire une critique au vitriol tant ça m’a gonflé, mais j’ai trop de respect pour cette réalisatrice, dont l’œuvre maitresse restera pour moi Jacquot de Nantes, plus accessible, plus conventionnel aussi. Je ne peux qu’admirer le travail de réalisation et je crois que j’ai compris ce que Varda voulait me dire mais je n’y ai pas vu d’intérêt. A mes yeux, ce film ne peut toucher émotionnellement que si on le scrute, l’analyse, le décortique. On ne peut pas se laisser emporter. En tout cas, je n’ai pas pu.
Bref, ça ne m’a pas parlé. Les travellings qui n’aboutissent à rien, qui s’égarent dans un champ ou sur une écharpe rouge, je ne trouve ça ni subtil, ni particulièrement intelligent. Ce film est intéressant pour se toucher la nouille entre initiés mais sorti de l’analyse, il n’apporte aucune émotion. J’ai parfois même une sorte de mépris pour ce cinéma qui se la raconte. Que je rejette et qui me rejette.
Je n’aime pas le parti pris des acteurs jouant mal, je n’aime pas le choix d’un film décousu pour finalement raconter si peu. Je ne suis pas comme Mona, je n’aime pas qu’on casse les codes et les conventions. Finalement.
Cette critique est présente dans la liste de Moonlucide : https://www.senscritique.com/liste/Partage_de_films_edition_avril_2018/2071228
Merci à lui.